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mercredi 9 août 2017

Philosophe brillante, Edith Stein choisit le Carmel

Pour Edith Stein, le choix du carmel est celui de l’humilité, mais aussi une manière de mettre ses connaissances au service de Dieu. / CARMELITES .NET

Le choix du silence (3/5). Étonnant destin que celui de cette juive allemande, première femme Docteur en Philosophie, assistante d’Husserl qui, douze ans après avoir été baptisée, répond à l’appel du Carmel.

Un chandelier à sept branches. Un enfant Jésus dans une mangeoire. Des traductions manuscrites de Thomas d’Aquin. Une urne contenant de la terre du camp d’Auschwitz. Ces quatre objets, parmi bien d’autres exposés dans le petit musée du monastère Sainte-Madeleine à Spire (Allemagne), suffisent à résumer l’exceptionnel destin d’Edith Stein.

Une femme entourée de mystères

Comment cette philosophe parmi les plus brillantes de sa génération, née dans une famille juive pratiquante de Silésie, a-t-elle pu entrer au carmel et mourir dans les chambres à gaz, victime de la Shoah et témoin du Christ?
Certes, l’appel à tout quitter pour une vie cloîtrée relève toujours du mystère. D’ailleurs, Edith Stein disait qu’il s’agissait là d’un « secret ». « Non parce qu’elle refusait d’en parler, mais parce qu’elle en était débordée», précise Bénédicte Bouillot, célibataire consacrée de la communauté du Chemin-Neuf, enseignante de philosophie au Centre Sèvres et au Studium du Chemin-Neuf à Chartres, et dont la thèse sur Edith Stein vient d’être publiée (1). Toutefois pour Edith Stein, cet appel à 42 ans surprend davantage, même s’il s’inscrit dans une lente maturation intérieure.

Phénoménologie

En fait, à 26 ans, Edith Stein, alors professeur de philosophie et proche des principaux membres de la phénoménologie – Edmund Husserl, Adolf Reinach, et Max Scheler –, avait été marquée par la réaction de Pauline Reinach après la mort au front de son mari : loin d’être anéantie, elle était portée par sa foi en la résurrection. « C’était la première rencontre d’Edith Stein avec la croix glorieuse, mais elle n’avait pas encore rencontré le Crucifié », interprète Bénédicte Bouillot.
Cette rencontre se fera par l’intermédiaire de Thérèse d’Avila, dont elle lit La Vie à 30 ans, lors d’un séjour chez une autre amie chrétienne. C’est à ce moment-là qu’elle décide de demander le baptême… ce qui se fera quelques mois plus tard, en janvier 1922.
Pour sa famille, cette « conversion » est d’autant plus douloureuse qu’elle choisit non pas le protestantisme, vers lequel la portait son milieu intellectuel, mais le catholicisme, considéré alors en Prusse comme pleine de traditions incompatibles avec les exigences rationalistes.

Consécration de cœur

En réalité, Edith Stein découvrira une cohérence profonde entre l’anthropologie catholique et la philosophie de la personne qu’elle avait commencé à élaborer. Il reste que pour elle, ce choix de l’Église catholique correspond à une démarche d’abaissement, d’humilité.
Dès sa rencontre avec le Christ, elle savait que Dieu lui réservait une place au carmel, explique Edith Stein dans Comment je suis entrée au carmel de Cologne ? – qu’elle a offert à sa maîtresse des novices en 1933.
Mais sur les conseils de son père spirituel, elle renonce à entrer tout de suite au carmel et vient à Spire, enseigner l’allemand et l’histoire à l’école normale féminine du couvent des dominicaines de la Madeleine, tout en suivant les offices et en vivant déjà une consécration de cœur.

Travail de traduction

Pendant ses temps libres, elle se lance dans la traduction en allemand de John Henry Newman, puis, encouragée par le philosophe jésuite Erich Przywara, du De veritate de saint Thomas d’Aquin – pour la première fois traduit en allemand.
« Il m’est apparu à la lecture de Saint Thomas qu’il était possible de mettre la connaissance au service de Dieu et c’est alors seulement que j’ai pu me résoudre à reprendre sérieusement mes travaux. Il m’a semblé en effet que plus une personne est attirée par Dieu, plus elle doit sortir d’elle-même pour aller vers le monde en y portant l’amour divin », écrira plus tard Edith Stein pour expliquer son travail de rapprochement entre le thomisme et la philosophie moderne, notamment la phénoménologie.
Pendant ses onze années à Spire, Edith Stein a donc porté cet appel du carmel, attendant le moment opportun. Et c’est en 1933, privée du droit de parler en public par le régime nazi, qu’elle frappe à la porte de celui de Cologne, intimement persuadée que, selon son expression, « au-dessus de ce monde en flammes, se dresse la croix que rien ne peut consumer ».

Les carmels de Cologne et d’Echt

Totalement détruit par un bombardement d’octobre 1943, le carmel allemand de Cologne dans lequel était entré Edith Stein en 1933 n’existe plus. Un nouveau carmel a cependant été reconstruit à Cologne dès 1949, non loin de la cathédrale, sur les lieux de la première fondation de 1637. Une quinzaine de carmélites y vivent actuellement.
En revanche, le carmel d’Echt, dans la province du Limbourg aux Pays-Bas, et dans lequel Edith Stein a vécu de 1939 à 1942, existe toujours. Une pièce hors clôture qui lui était réservée, car elle continuait à recevoir des visites, a été transformée en petit musée avec des objets personnels de la carmélite. Et dans l’église paroissiale d’Echt toute proche, sont toujours conservés sa coule et son diplôme de doctorat signé de son directeur de thèse, Edmund Husserl.

Claire Lesegretain

(1) Le noyau de l’âme selon Edith Stein. De l’épochè phénoménologique à la nuit obscure, Éd. Hermann, 494 p., 38 €


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