Jeudi 11 février 2010 : qu’est-ce que l’Europe ? Tandis
que le sauvetage économique de la Grèce agite l’Union européenne, au Collège
des Bernardins, le colloque organisé par l’Institut Jean-Marie-Lustiger oblige
à se poser la question. Pourquoi et de quoi est-elle solidaire ? Au nom de quoi
?
La pensée du cardinal Lustiger est stimulante. Pourquoi
s’intéressait-il à l’Europe ? Parce qu’elle s’est définie comme la maison-mère
de la raison. Comment s’intéressait-il à l’Europe ? Selon une « géopolitique
spirituelle » où l’Allemagne, la Pologne, la Russie, liées aux tragédies du XXe
siècle, tenaient une place centrale, mais où le rapprochement entre
catholicisme et orthodoxie les « deux poumons de l’Europe » était le ferment le
plus fort.
Loin de toute logique d’empire, J.-M. Lustiger souhaitait
l’édification d’une « communauté de frères ». Mais comment être une
communauté de frères, sans reconnaître ce que « l’Europe insaisissable et
cohérente» doit à l’irruption fondatrice de la Sainte Trinité dans son
histoire ? Bref, qu’est-ce que l’Europe, et quel avenir pour elle, sans sa
filiation spirituelle ?
Beau panel d’intervenants (Jean-Luc Marion, de l’Académie
française, Pavel Fisher, ambassadeur de la République tchèque en France, le
cardinal de Venise Angelo Scola, Henryk Wozniakowski, vice-président du centre
culturel Znak à Cracovie, entre autres) de plusieurs pays d’Europe, pour
répondre à cette question et tracer des voies d’avenir (1).
Retenons que, pour Jean-Marie Lustiger, la crise de la
raison, qui engendre en Europe un nihilisme destructeur, ne se dépassera que
par l’Esprit Saint. La réconciliation, qui est à l’origine de la construction
européenne au XXe siècle, est loin d’être acquise dans toute l’Europe (ainsi de
la Pologne, la Russie, la République tchèque dont la réconciliation interne est
elle-même encore à venir). L’amitié comme programme appelle la conversion
mutuelle. Dans le monde qui se construit, l’Europe, unité dans la diversité, a
vocation à promouvoir un monde « pluripolaire » plus que « multipolaire »,
c’est-à-dire un monde acceptant le débat entre fils d’une même histoire sans
renoncer à l’unité, et ce au nom de la Trinité qui la fonde. Certes, le débat
sur les « racines chrétiennes » fut raté, mais la place et la diversité
des relations Églises-États est sauvegardée dans les traités. Elle permet le
partage des biens spirituels.
Reste que l’Europe selon l’Esprit exige des Européens un
énorme effort pour surmonter la crise de la famille, de l’éducation, de la
transmission. Pour Jean-Marie Lustiger comme ceux qui le suivent, un sens
renouvelé des dons reçus de Dieu doit rendre à nouveau l’Europe capable de
donner et de transmettre. C’est urgent.
Marie-Joëlle Guillaume
(1) Les actes seront publiés par l’Institut Jean-Marie-Lustiger.
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