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lundi 30 janvier 2017

Journée de la mémoire : que "leurs larmes ne soient jamais oubliées"

Le pape reçoit une délégation du Congrès juif européen
Auschwitz, Pape François, Pologne (L'osservatore romano)

Pour la Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste, le 27 janvier 2017, le pape François a souhaité que « leurs larmes ne soient jamais oubliées ». Devant une délégation du Congrès juif européen (EJC), il a formulé le vœu qu’une telle tragédie ne se répète plus.
« Aujourd’hui, je désire faire mémoire de toutes les victimes de l’Holocauste. Que leurs souffrances, leurs larmes ne soient jamais oubliées », a ainsi écrit le pape dans un tweet publié pour l’occasion sur @Pontifex.
Dans la matinée, il a reçu cinq membres du Congrès juif européen – représentant plus de deux millions de juifs sur le continent – avec lesquels il a échangé en privé. « La rencontre s’est très bien passée, le pape a été très ouvert et c’était une conversation libre » dans « un climat très cordial », a confié à Radio Vatican le père Norbert Hofmann, secrétaire de la Commission du Saint-Siège pour les relations religieuses avec le judaïsme.
Le pape François, a-t-il indiqué, « a commencé le dialogue en mentionnant cette journée importante pour les juifs mais aussi pour nous … : faire mémoire des victimes de l’Holocauste est important pour que cette tragédie humaine ne se répète plus ».
La Shoah « est un mémorial de la cruauté humaine », a déclaré le pape, d’après un communiqué de l’EJC. Un terme qu’il avait employé après avoir visité les camps de concentration et d’extermination d’Auschwitz et Birkenau, le 29 juillet 2016 : « Tant de souffrances, tant de cruauté, mais est-ce possible que nous, hommes créés à la ressemblance de Dieu, soyons capables de faire ces choses ? ». Le pape avait dénoncé : « La cruauté ne s’est pas finie avec Auschwitz et Birkenau. Aujourd’hui aussi… il y a cette cruauté ».
Durant la rencontre au Vatican, le pape a aussi évoqué son histoire personnelle, a ajouté le p. Hofmann : « dans sa famille, son père recevait toujours des juifs ; il a donc grandi dans une atmosphère favorable aux juifs. (…) Il a dit qu’il y avait toujours des juifs qui allaient lui rendre visite et qu’ainsi, dès son jeune âge, notre pape a appris à avoir des amis juifs ».
Le président du Congrès juif européen, Moshe Kantor, quant à lui, « a parlé de l’importance de l’éthique, des valeurs chrétiennes et juives que nous avons en commun ». Dans un monde qui connaît la chute des ces valeurs morales et éthiques, il a appelé à les renforcer.
Avec une traduction de Constance Roques
https://fr.zenit.org/articles/journee-de-la-memoire-que-leurs-larmes-ne-soient-jamais-oubliees/

27 janvier : Noah Klieger à l'ONU (LPH INFO)


Depuis quelques années, l’O.N.U. a instauré la date du 27 janvier, le jour où l’armée rouge est entrée dans le camp d’Auschwitz, comme journée internationale de commémoration des victimes de la Shoah. On ne peut pas véritablement parler de « libération d’Auschwitz », puisque le 27 janvier 1945 la grande majorité des prisonniers survivants se trouvait sur les routes de Silésie, dans cette « marche de la mort » où une grande partie d’entre eux allait effectivement périr, de froid, de faim ou encore sous les balles des Allemands. Parmi ceux qui échappèrent à ce sort se trouvait un jeune homme de 17 ans, Noah Klieger.
Cette année, la cérémonie centrale qui a lieu à New-York sous la présidence du Secrétaire Général accueille comme invité principal, grâce aux efforts de l’ambassadeur Dany Danon, ce même Noah Klieger. Personnage exceptionnel, c’est tout un symbole que sa venue à l’O.N.U. représente. Né à Strasbourg il y a plus de 90 ans, Noah était au début de la guerre avec ses parents en Belgique, où il participa (à 14 ans !) à l’organisation d’un réseau faisant passer des jeunes juifs vers la Suisse. Arrêté et envoyé au camp de Malines, il est déporté à Auschwitz en janvier 1943. Il a survécu à deux ans d’enfer grâce à ce qu’il appelle « une série de miracles », dont l’un des premiers est que, malgré son jeune âge, il s’est retrouvé dans l’équipe des « boxeurs d’Auschwitz », dont il est aujourd’hui le dernier survivant. Rescapé des marches de la mort, puis du camp de Dora en Allemagne, il finit par revenir à Bruxelles où il retrouve ses deux parents, rescapés également d’Auschwitz. Son frère était parti en Angleterre avant la guerre pour devenir rabbin au collège talmudique de Gateshead.
C’est à Auschwitz que Noah est devenu sioniste, qu’il a compris que les Juifs devaient avoir un Etat pour pouvoir se défendre. Il milite donc dans le Bruxelles de l’après-guerre au sein de la jeunesse sioniste, puis décide de partir à son tour vers le pays d’Israël.
C’est ainsi qu’en juillet 1947, comme beaucoup de survivants des camps de la mort, Noah Klieger se retrouve avec 4500 autres personnes sur le bateau l’Exodus qui part du sud de la France vers les côtes de la terre promise. Ses capacités exceptionnelles font qu’il est le seul survivant de la Shoah qui est intégré à l’équipage du bateau, où il est chargé d’organiser la défense contre un éventuel abordage des Anglais. C’est effectivement ce qui se produit et, comme les autres passagers, Noah est rapatrié en France, puis vers le nord de l’Allemagne. Il revient en 1948 en Israël, et participe aux combats de la guerre d’indépendance. Il développe ensuite une longue carrière de journaliste et est toujours, à 90 ans, un membre actif de la rédaction du journal Yediot Aharonot, tout en étant le correspondant israélien du journal l’Equipe. Noah s’est toujours passionné pour le sport, et il a même été le président du fameux club de Basket « Maccabi Tel-Aviv ».

Le 27 janvier 2017, c’est donc ce symbole vivant de la lutte du peuple juif pour sa survie et du combat pour l’Etat d’Israël qui rendra hommage devant la communauté des Nations aux six millions de Juifs qui ont péri dans la Shoah. Noah Klieger a écrit un très beau témoignage sur sa vie, les événements qu’il a traversés et les miracles qui l’ont accompagné. En hébreu le livre s’appelle « élé toldot Noah », comme les premiers mots de la parasha qui nous raconte comment Noé traversa la destruction du monde par le Déluge, puis participa à sa reconstruction. C’est un peu le sort de notre « Noah moderne », qui a traversé la destruction promise au peuple Juif et a ensuite participé à sa reconstruction dans l’Etat d’Israël. La traduction en Français de ses mémoires a été assurée par les éditions Elkana sous le titre « Plus d’un tour dans ma vie ». Le lire, c’est non seulement découvrir une existence passionnante, mais c’est aussi donner du sens à la propre vie de chaque lecteur.

Alain Michel.


samedi 21 janvier 2017

Les papes et le dialogue entre catholiques et juifs, par le Père Hofmann (3/3)

Le Pape François, "un fils de Nostra Aetate"

Le Pape François Franchit Le Portail Du Camp D'Auschwitz, Capture CTV 29 Juillet 2016

Le pape François est « un fils de Nostra aetate », la déclaration du concile Vatican II sur le judaIsme et les religions non-chrétiennes, explique le père Norbert Hofmann, secrétaire de la Commission du Saint-Siège pour les relations religieuses avec le judaïsme qui fait observer qu’aucun pape « n’a visité autant de synagogues que Benoît XVI » et qu’il « s’est continuellement efforcé de mettre en évidence la multiple richesse du patrimoine commun du christianisme et du judaïsme ».
Le p. Hofmann publie en effet un article intitulé »: « Les papes et le dialogue entre catholiques et juifs », dans L’Osservatore Romano en italien des 16-17 janvier 2017, à l’occasion de la Journée du judaïsme célébrée chaque année dans différents pays le 17 janvier, à la veille de la grande semaine de prière pour l’unité des chrétiens (18-25 janvier).
L’an dernier à cette date, le pape François se rendait en visite à la Grande synagogue de Rome, où il a été accueillir par le Grand rabbin Riccardo Di Segni.
Pour le père Hofmann, « la journée du judaïsme, que l’on célèbre en Italie le 17 janvier, est le signe de la grande estime qui existe au sein de l’Église catholique à l’égard du judaïsme »: « Elle veut offrir aux chrétiens une occasion profitable de se souvenir avec gratitude des racines juives de leur foi, tout en prenant conscience, avec sensibilité, du dialogue en cours avec le judaïsme aujourd’hui. La journée, outre l’Italie, est aussi célébrée tous les 17 janvier en Pologne, en Autriche et aux Pays-Bas, où elle a été introduite par les conférences épiscopales respectives. »
Après avoir évoqué le pontificat de saint Jean-Paul II, ses paroles, et ses gestes – il a « définitivement rompu la glace – , le p. Hofmann évoque celui de Benoît XVI – le pape qui a visité le plus grand nombre de synagogues -, et, ici, celui du pape François.
« Le pape François est un fils de Nostra aetate, affirme le p. Hofmann. Déjà à Buenos Aires, il a fait beaucoup pour la promotion du dialogue judéo-catholique. Grâce à sa contribution comme archevêque de la ville, les relations entre les juifs et l’Église catholique ont atteint un niveau élevé, et qui dure encore, de solidité et de fraternité. »
Il évoque l’action de l’archevêque de Buenos Aires et les solides amitiés nouées alors: « Plus tard aussi, en tant que cardinal, Jorge Mario Bergoglio a non seulement noué des contacts institutionnels, mais a entretenu des amitiés véritables avec des rabbins et des membres de la communauté juive locale. Parmi ses amis, on comptait le rabbin Abraham Skorka, recteur du séminaire rabbinique de l’Amérique latine à Buenos Aires avec qui, en 2010, il a publié le livre « Le ciel et la terre » basé sur une série d’entretiens sur différents thèmes de nature sociale, théologique et pastorale et avec qui il a participé à différents programmes télévisés. Sur la suggestion du cardinal Bergoglio, il fut conféré en 2012 au rabbin Skorka le doctorat honoris causa de l’Université catholique d’Argentine. Les rencontres du card. Bergoglio avec des représentants juifs ont été nombreuses, et de même ses visites dans les synagogues où il a prêché et participé à des célébrations commémoratives. »
L’auteur cite trois rencontres significatives: « Rappelons, parmi beaucoup d’autres, sa présence, en septembre 2007, pendant la fête juive pour la nouvelle année, dans la synagogue B’nei Tikva de Buenos Aires et, en novembre 2012, pendant la célébration de commémoration de la Nuit de Cristal, dans la cathédrale de la ville, organisée avec les représentants du B’nei B’rith. Le card. Bergoglio a immédiatement exprimé sa profonde solidarité avec la communauté juive de Buenos Aires lorsqu’une bombe a explosé en 1994 dans le centre juif ; lors du onzième anniversaire de cet attentat, il fut parmi les premiers à signer un document qui demandait que justice soit rendue aux victimes. En 2010, avec quelques personnalités juives, il a visité le nouveau centre qui avait été reconstruit, en signe de solidarité et d’encouragement. Le card. Bergoglio a volontiers repris l’expression « frères ainés », forgée par le pape Jean-Paul II pour les juifs, puisqu’en eux il a réellement vu des frères et sœurs avec qui partager le pèlerinage vers Dieu. »
Puis, il y a le ministère du Successeur de Pierre, à partir du 13 mars 2013, et sa volonté immédiatement déclarée de dialogue: « Le lendemain de son élection sur le siège pontifical, le pape François a envoyé à la communauté juive de Rome une lettre dans laquelle il affirmait sa ferme volonté de promouvoir le dialogue : « J’espère vivement pouvoir contribuer au progrès que les relations entre juifs et catholiques ont connu à partir du concile Vatican II, dans un esprit de collaboration renouvelée et au service d’un monde qui puisse toujours plus être en harmonie avec la volonté du Créateur ». »
« Dès le début, il a donc été évident que le nouveau pontife se serait employé sans réserve en faveur du dialogue avec les juifs, afin d’approfondir et d’intensifier les liens d’amitié déjà existants, souligne le p. Hofmann. Le pape François a confirmé cette intention plusieurs fois au cours des dernières années. Au Vatican, il a reçu un très grand nombre de rabbins et de délégations juives et, au cours de ses voyages, il a régulièrement rencontré des représentants du judaïsme. »
Il s’arrête au voyage en Terre-Sainte: « Dès la seconde année de son pontificat, il s’est rendu en Israël où, le 26 mars 2014, il s’est recueilli en prière au Mur des Lamentations, a rencontré deux grands rabbins d’Israël, a rendu hommage aux victimes de la Shoah au Yad-Vashem et a parlé aux survivants de cette tragédie. Dans ces circonstances aussi, le pape François a montré sa profonde sensibilité, sa capacité à comprendre son prochain, son empathie surtout à l’égard de ceux qui sont marqués par la souffrance. Dans le contact personnel qui se traduit par des gestes concrets de proximité et de chaleur humaine, il témoigne ainsi de la tendresse et de la bienveillance de Dieu. »
Et puis, il y a un an, la visite romaine: « Dans le discours qu’il a tenu le 17 janvier 2016 lors de sa visite à la synagogue de Rome, il a rappelé que nous appartenons tous à la grande famille de Dieu et s’est dit reconnaissant pour tout ce qui a été réalisé jusqu’alors dans le dialogue judéo-catholique. Juifs et chrétiens, dans ce monde sécularisé, sont appelés ensemble à porter Dieu aux hommes. »
Et la visite silencieuse au camp d’extermination d’Auschwitz: « À l’occasion de son voyage à Cracovie pour la Journée mondiale de la jeunesse, il a visité, le 29 juin 2016, le camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau, où il n’a voulu donner aucun discours, mais il s’est recueilli en silence pour prier pour les victimes de la Shoah : dans certaines circonstances, les paroles peuvent être vaines, par rapport à l’humble prière du cœur adressée à Dieu. Et la prière, pour le pape François, demeure au centre de chacune de ses actions, le moteur de son engagement concret et tangible, dans tous les domaines et à tous les niveaux. »
Et de conclure sur ces trois pontificat: « Si l’on porte son attention à l’œuvre des trois derniers pontifes, il émerge en chacun d’eux la volonté efficace de promouvoir et d’approfondir le dialogue judéo-catholique. Cette amitié entre chrétiens et juifs a toujours été constante, tout en assumant des nuances et des styles différents selon la personnalité de chacun des pontifes : Jean-Paul II a été un pape des grands gestes et des images prégnantes ; Benoît XVI s’est servi de la force de la parole et de la profondeur de la réflexion théologique ; François est le pape qui réussit à transmettre humanité et tendresse, qui sait se faire proche de tous.
Avec une traduction de Constance Roques

Les papes et le dialogue entre Juifs et Catholiques par le Père Hofmann (2/3)

Aucun pape n'a "visité autant de synagogues que Benoit XVI"

Benoît XVI À La Synagogue De Cologne (2005), Courtoisie De Mostholyfamilymonastery.com

« Le pape Benoît XVI a poursuivi avec détermination la ligne suivie par Jean-Paul II », explique le père Norbert Hofmann, secrétaire de la Commission du Saint-Siège pour les relations religieuses avec le judaïsme qui fait observer qu’aucun pape « n’a visité autant de synagogues que Benoît XVI » et qu’il « s’est continuellement efforcé de mettre en évidence la multiple richesse du patrimoine commun du christianisme et du judaïsme ».
Le p. Hofmann publie en effet un article intitulé »: « Les papes et le dialogue entre catholiques et juifs », dans L’Osservatore Romano en italien des 16-17 janvier 2017, à l’occasion de la Journée du judaïsme célébrée chaque année dans différents pays le 17 janvier, à la veille de la grande semaine de prière pour l’unité des chrétiens (18-25 janvier).
L’an dernier à cette date, le pape François se rendait en visite à la Grande synagogue de Rome, où il a été accueillir par le Grand rabbin Riccardo Di Segni.
Pour le père Hofmann, « la journée du judaïsme, que l’on célèbre en Italie le 17 janvier, est le signe de la grande estime qui existe au sein de l’Église catholique à l’égard du judaïsme »: « Elle veut offrir aux chrétiens une occasion profitable de se souvenir avec gratitude des racines juives de leur foi, tout en prenant conscience, avec sensibilité, du dialogue en cours avec le judaïsme aujourd’hui. La journée, outre l’Italie, est aussi célébrée tous les 17 janvier en Pologne, en Autriche et aux Pays-Bas, où elle a été introduite par les conférences épiscopales respectives. »
Après avoir évoqué le pontificat de saint Jean-PaulII, ses paroles, et ses gestes, le p. Hofmann évoque celui de Benoît XVi, il remonte même avant son élection au siège de Pierre: « En tant que théologien, il connaissait bien le judaïsme, grâce entre autres à sa formation académique et à ses études de l’Écriture Sainte sur laquelle il centrait ses nombreux discours. Mais sa proximité à l’égard du judaïsme n’est pas restée au niveau théorique : elle s’est rapidement traduite dans le concret. De fait, comme cardinal de la Curie romaine, Joseph Ratzinger a rencontré personnellement de nombreux juifs et a consacrés différentes publications à la relation spéciale existant entre judaïsme et christianisme. Il n’est donc pas étonnant que, lors de sa première rencontre comme pape avec une délégation juive, le 9 juin 2005, il ait tenu à souligner l’actualité toujours majeure des affirmations fondamentales de Nostra aetate (n.4) et son intention de poursuivre le dialogue avec les juifs sur les pas de son prédécesseur. Plus d’une fois, il a répété, et pas seulement devant des interlocuteurs juifs, combien lui tenait à cœur l’amélioration des relations avec le judaïsme. Certainement aussi à cause de sa biographie personnelle, ayant expérimenté de près les temps sombres du nazisme, il voyait le dialogue avec le judaïsme surtout à la lumière de la conciliation et de la réconciliation. »
Le père Hofmann cite des faits concrets, notamment les rencontres durant les voyages de Benoît XVI: « Pendant les années de son pontificat, nombreux ont été les gestes concrets d’amitié et de respect envers le monde juif. Benoît XVI a reçu de très nombreuses délégations juives, au Vatican comme lors de ses voyages ; il a visité le camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau le 28 mai 2006 ; pendant son voyage en Israël, en mai 2009, il s’est rendu au Mur des Lamentations et en visite au Grand Rabbinat de Jérusalem, il a rencontré des représentants juifs d’Israël et du monde entier, il a prié pour les victimes de la Shoah à Yad-Vashem ; le 17 janvier 2010, il a été accueilli par la communauté juive de Rome dans la Grande Synagogue. »
Il rappelle notamment celle du pape en Allemagne, à l’occasion de la JMJ de 2005: « Sa première visite à une synagogue avait cependant été celle de Cologne, le 19 août 2005, à l’occasion de la Journée mondiale de la jeunesse ; une autre avait eu lieu à New York le 18 avril 2008, lorsqu’il avait salué les membres de la Park East Synagogue. Aucun pape n’a visité autant de synagogues que Benoît XVI. »
« Toutes ces activités portent le signe incomparable de son style, estime le p. Hofmann. Tandis que Jean-Paul II avait une sensibilité aiguë pour la valeur symbolique des gestes, Benoît XVI a misé sur la force des paroles et sur l’humilité de la rencontre. Ses discours étaient caractérisés non seulement par une évidente perspicacité théologique mais aussi par une profondeur spirituelle indéniable qui pouvait assumer jusqu’à des tons poétiques. Parmi tant d’autres, la méditation sur les dix commandements, offerte à l’occasion de sa visite à la synagogue de Rome, fut écoutée avec un vif intérêt tant par les catholiques que par les juifs. À travers la force de ses paroles et la profondeur spirituelle de sa théologie, Benoît XVI s’est continuellement efforcé de mettre en évidence la multiple richesse du patrimoine commun du christianisme et du judaïsme. »
« Dans l’Église catholique, fait encore observer le salésien à propos du 17 janvier, l’empreinte et l’orientation de chaque pontificat vers le judaïsme étant d’une importance fondamentale, cette journée est aussi le moment opportun pour regarder l’engagement des trois derniers papes dans le dialogue judéo-catholique. »
(à suivre)

Les papes et le dialogue entre Catholiques et Juifs, par le Père Hofmann (1/3)

(Jean-Paul II et le Grand Rabbin Toaff, DR)

« On reconnaît au pape Jean-Paul II d’avoir définitivement brisé la glace dans le dialogue judéo-catholique « , explique le père Norbert Hofmann, secrétaire de la Commission du Saint-Siège pour les relations religieuses avec le judaïsme.
Il publie en effet un article intitulé »: « Les papes et le dialogue entre catholiques et juifs », dans L’Osservatore Romano en italien des 16-17 janvier 2017, à l’occasion de la Journée du judaïsme célébrée chaque année dans différents pays le 17 janvier, à la veille de la grande semaine de prière pour l’unité des chrétiens (18-25 janvier).
L’an dernier à cette date, le pape François se rendait en visite à la Grande synagogue de Rome, où il a été accueillir par le Grand rabbin Riccardo Di Segni.
Pour le père Hofmann, « la journée du judaïsme, que l’on célèbre en Italie le 17 janvier, est le signe de la grande estime qui existe au sein de l’Église catholique à l’égard du judaïsme »: « Elle veut offrir aux chrétiens une occasion profitable de se souvenir avec gratitude des racines juives de leur foi, tout en prenant conscience, avec sensibilité, du dialogue en cours avec le judaïsme aujourd’hui. La journée, outre l’Italie, est aussi célébrée tous les 17 janvier en Pologne, en Autriche et aux Pays-Bas, où elle a été introduite par les conférences épiscopales respectives. »
« Dans l’Église catholique, l’empreinte et l’orientation de chaque pontificat vers le judaïsme étant d’une importance fondamentale, cette journée est aussi le moment opportun pour regarder l’engagement des trois derniers papes dans le dialogue judéo-catholique, fait observer le père Hofmann qui rappelle les différente étapes des trois derniers pontificats, à commencer par celui de Jean-Paul II, marqué par la première visite d’un pape à la Grande synagogue de Rome.
« On reconnaît au pape Jean-Paul II d’avoir définitivement brisé la glace dans le dialogue judéo-catholique ; le premier il a accompli envers les juifs des gestes d’amitié inoubliables. Certes, d’importants pas de rapprochement avaient déjà été entrepris par le pape Paul VI, mais c’est seulement avec Jean-Paul II que l’on commença à percevoir l’engagement de l’Église catholique en faveur du judaïsme », explique le père Hofmann.
Il rappelle les racines polonaises de l’expérience de Karol Wojtyla: « Déjà pour des motifs liés à son histoire personnelle, Karol Wojtyła a eu à cœur l’amélioration des relations entre juifs et catholiques. Il a en effet grandi dans la petite ville polonaise de Wadowice, dont la population était constituée, pour un quart, de juifs. Depuis son enfance, donc, il a eu des amis juifs sur les bancs de l’école et dans ses temps libres ; il connaissait leurs usages et leur mode de vie, il avait appris à partager leur quotidien et avait lié des amitiés fortes : il est resté lié jusqu’à la mort à un vieux compagnon juif, Jerzy Kluger, avec lequel il avait grandi en Pologne et avec lequel il est toujours resté en contact, même après avoir été élu pape et s’être transféré à Rome. Karol Wojtyła avait expérimenté de près l’horreur du nazisme, dont beaucoup de ses amis juifs furent les victimes, pendant la Shoah, et il en a profondément souffert. »
« Il est donc facilement compréhensible, continue le p. Hofmann, que, même une fois pape, il ait ressenti le devoir de s’engager personnellement en faveur du développement et de l’intensification de l’amitié entre l’Église catholique et le judaïsme. »
Il salue les « gestes » du saint pape polonais, à commencer par sa visite à Auschwitz, dès sa première année de pontificat: « Le signe qu’il a laissé dans le dialogue judéo-catholique a beaucoup dépendu de sa personnalité unique : comme personne avant lui, il sut accomplir en public des gestes d’importance symbolique en mesure de rendre visible ce qui lui tenait réellement à cœur. Dès la première année de son pontificat, le 7 juin 1979, il a visité le camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau ; là, devant la pierre gravée en hébreu, il s’est recueilli en prière rappelant en particulier les victimes de la Shoah. À cette occasion, il a fait observer : « Cette inscription suscite le souvenir du peuple dont les fils et les filles étaient destinés à l’extermination totale. Ce peuple tire son origine d’Abraham qui est le père de notre foi (cf. Rm 4,12), comme l’a exprimé Paul de Tarse. Précisément ce peuple, qui a reçu de Dieu le commandement « Tu ne tueras pas », a éprouvé sur lui-même dans une mesure particulière ce que signifie tuer. Devant cette pierre, il n’est permis à personne de passer outre avec indifférence ». »
L’auteur rappelle la rencontre de saint Jean-Paul II avec la communauté juive de Rome et le regretté grand rabbin Elio Toaff à la grande synagogue de Rome: « Mais plus dense encore de signification symbolique et de résonnance médiatique fut la visite de Jean-Paul II à la synagogue de Rome, le 13 avril 1986. L’image de l’accolade du pape et du grand rabbin Elio Toaff devant la Grande synagogue a fait le tour du monde. Pour la première fois dans l’histoire, un pape s’est rendu officiellement dans une synagogue pour exprimer, devant le monde entier, son estime pour le judaïsme. Un autre pas important dans les relations avec les juifs fut accompli à la fin du mois de décembre 1993, avec la reconnaissance diplomatique de l’État d’Israël par le Saint-Siège ; l’année suivante, a eu lieu l’échange des ambassadeurs respectifs. »
Avec les gestes, les paroles. Le p. Hofmann cite un document parfois oublié et la demande de pardon, à Saint-Pierre, dans le cadre du grand jubilé de l’An 2000 et de ce que le pape appelait « la purification de la mémoire » nécessaire pour entrer dans le troisième millénaire: « C’est à la lumière du document publié en 1998, intitulé « Nous nous souvenons. Une réflexion sur la Shoah » qu’il faut comprendre le geste effectué le 12 mars 2000, quand le pape, au cours d’une liturgie publique, a demandé pardon pour les fautes commises contre le peuple d’Israël, dans une prière : « Dieu de nos Pères, tu as choisi Abraham et sa descendance pour que ton Nom soit apporté aux peuples : nous sommes profondément attristés par le comportement de ceux qui, au cours de l’histoire, ont fait souffrir tes enfants et, te demandant pardon, nous voulons nous engager dans une fraternité authentique avec le peuple de l’alliance ». »
Et il y a eu, à Jérusalem, la prière au pied du Mur des Lamentations – ou Mur Occidental ou Kotel -, avec cette même prière laissée dans la fissure de ce mur de soubassement du Temple d’Hérode le Grand détruit par les Romains en 70, la visite au mémorial de la Shoah de Yad VaShem, et la rencontre avec des survivants: « Cette même prière de pardon, légèrement modifiée dans la forme, Jean-Paul II l’a écrite sur un feuillet et l’a insérée dans les pierres du Mur des Lamentations à Jérusalem, à l’occasion de sa visite en Israël le 26 mars 2000. La visite du pape à l’État d’Israël peut certainement être définie comme une visite historique puisqu’elle a donné une impulsion considérable à la promotion du dialogue judéo-catholique. Jean-Paul II a visité le monument commémoratif de Yad VaShem, a prié pour les victimes de la Shoah, a rencontré quelques survivants de cette tragédie indicible, a participé à une rencontre interreligieuse à laquelle étaient aussi présents des représentants musulmans et est entré en contact pour la première fois avec le Grand Rabbinat de Jérusalem. »
Un contact qui ne devait pas être sans lendemain, avec des visites au Vatican de représentants du judaïsme mondial, ou des visites de Jean-Paul II dans d’autres synagogues, comme à Washington ou Cologne, rappelle encore le p. Hofmann: « Quelques années plus tard, le 16 janvier 2004, il a de nouveau rencontré les deux grands rabbins d’Israël lorsqu’était déjà en cours le dialogue institutionnel entre le Grand Rabbinat et la Commission du Saint-Siège pour les rapports religieux avec les juifs. Jean-Paul II a régulièrement reçu au Vatican des groupes et des personnalités du monde juif et, pendant ses nombreuses visites pastorales, il a toujours fait en sorte qu’à l’intérieur du programme, il y ait des rencontres avec des délégations juives là où la communauté juive constituait une forte présence locale. »
Le père Hofmann souligne que ce chemin est désormais irréversible: « À la lumière du grand engagement de ce pape en faveur des relations entre juifs et catholiques, nous pouvons dire que c’est précisément pendant son long pontificat qu’ont été jetées les bases et cimentés les fondations du dialogue futur. Faire marche arrière par rapport à ce qui a été réalisé sous son pontificat ne sera jamais possible ; les claires orientations fournies par le document Nostra aetate (n.4) restent désormais valides et constituent un point de référence irrévocable. Aujourd’hui, les partenaires du dialogue juif nourrissent envers Jean-Paul II une estime et une gratitude sincères ; l’admiration pour sa personne et pour son œuvre de réconciliation demeure intacte. »
(à suivre)

lundi 2 janvier 2017

Voeux de Noël 2016

Le Vicariat Saint Jacques pour les Catholiques de langue Hébraïque en Israël souhaite à toutes ses relations, amis, bienfaiteurs, collaborateurs et frères et sœurs un Noël comblé et joyeux.

(Nous remercions notre amie, Carole Kabrin, aux Etats Unis pour nous avoir permis d’utiliser l’image qu’elle a faite.)


Le message du Pape pour la 50 ème journée Mondiale de la Paix en 2017


Nous publions ici le traditionnel message du pape à l’occasion de la Journée Mondiale de la Paix qui tombe le 1er janvier 2017
«La non-violence: style d'une politique pour la paix»
1. Au début de cette nouvelle année, je présente mes vœux sincères de paix aux peuples et aux nations du monde, aux Chefs d’État et de Gouvernement, ainsi qu’aux responsables des communautés religieuses et des diverses expressions de la société civile. Je souhaite la paix à chaque homme, à chaque femme ainsi qu’à chaque enfant et je prie pour que l’image et la ressemblance de Dieu dans chaque personne nous permettent de nous reconnaître mutuellement comme des dons sacrés dotés d’une immense dignité. Surtout dans les situations de conflit, respectons cette « dignité la plus profonde »[1] et faisons de la non-violence active notre style de vie.
Voilà le Message pour la 50ème Journée Mondiale de la Paix. Dans le premier, le bienheureux Pape Paul VI s’est adressé à tous les peuples, non seulement aux catholiques, par des paroles sans équivoque : « Finalement [a] émergé d'une manière très claire le fait que la paix était l'unique et vraie ligne du progrès humain (et non les tensions des nationalismes ambitieux, non les conquêtes violentes, non les répressions créatrices d'un faux ordre civil) ». Il mettait en garde contre le « péril de croire que les controverses internationales ne peuvent se résoudre par les voies de la raison, à savoir par des pourparlers fondés sur le droit, la justice et l'équité, mais seulement au moyen des forces qui sèment la terreur et le meurtre ». Au contraire, en citant Pacem in terris de son prédécesseur saint Jean XXIII, il exaltait « le sens et l'amour de la paix, fondée sur la vérité, sur la justice, sur la liberté, sur l'amour »[2]. L’actualité de ces paroles, qui aujourd’hui ne sont pas moins importantes et pressantes qu’il y a cinquante ans, est frappante.
À cette occasion, je souhaite m’arrêter sur la non-violence comme style d’une politique de paix et je demande à Dieu de nous aider tous à puiser à la non-violence dans les profondeurs de nos sentiments et de nos valeurs personnelles. Que ce soient la charité et la non-violence qui guident la manière dont nous nous traitons les uns les autres dans les relations interpersonnelles, dans les relations sociales et dans les relations internationales. Lorsqu’elles savent résister à la tentation de la vengeance, les victimes de la violence peuvent être les protagonistes les plus crédibles de processus non-violents de construction de la paix. Depuis le niveau local et quotidien jusqu’à celui de l’ordre mondial, puisse la non-violence devenir le style caractéristique de nos décisions, de nos relations, de nos actions, de la politique sous toutes ses formes !
Un monde en morceaux
2. Le siècle dernier a été ravagé par deux guerres mondiales meurtrières ; il a connu la menace de la guerre nucléaire et un grand nombre d’autres conflits, tandis qu’aujourd’hui, malheureusement, nous sommes aux prises avec une terrible guerre mondiale par morceaux. Il n’est pas facile de savoir si le monde est actuellement plus ou moins violent qu’il l’a été hier, ni si les moyens de communication modernes et la mobilité qui caractérise notre époque nous rendent conscients de la violence ou plus habitués à elle.
De toute façon, cette violence qui s’exerce par ‘‘morceaux’’, de manières et à des niveaux différents, provoque d’énormes souffrances dont nous sommes bien conscients : guerres dans différents pays et continents ; terrorisme, criminalité et attaques armées imprévisibles ; les abus subis par les migrants et par les victimes de la traite ; la dévastation de l’environnement. À quelle fin ? La violence permet-elle d’atteindre des objectifs de valeur durable ? Tout ce qu’elle obtient n’est-ce pas plutôt de déchaîner des représailles et des spirales de conflits mortels qui ne profitent qu’à un petit nombre de ‘‘seigneurs de la guerre’’ ?
La violence n’est pas le remède pour notre monde en morceaux. Répondre à la violence par la violence conduit, dans la meilleure des hypothèses, à des migrations forcées et à d’effroyables souffrances, puisque d’importantes quantités de ressources sont destinées à des fins militaires et soustraites aux exigences quotidiennes des jeunes, des familles en difficulté, des personnes âgées, des malades, de la grande majorité des habitants du monde. Dans le pire des cas, elle peut conduire à la mort, physique et spirituelle, de beaucoup, voire de tous.
La Bonne Nouvelle
3. Jésus aussi a vécu en des temps de violence. Il a enseigné que le vrai champ de bataille, sur lequel s’affrontent la violence et la paix, est le cœur de l’homme : « C’est du dedans, du cœur de l’homme, que sortent les pensées perverses » (Mc 7, 21). Mais le message du Christ, face à cette réalité, offre la réponse radicalement positive : il a prêché inlassablement l’amour inconditionnel de Dieu qui accueille et pardonne et il a enseigné à ses disciples à aimer les ennemis (cf. Mt 5, 44) et à tendre l’autre joue (cf. Mt 5, 39). Lorsqu’il a empêché ceux qui accusaient la femme adultère de la lapider (cf. Jn 8, 1-11) et lorsque, la nuit d’avant sa mort, il a dit à Pierre de remettre son épée au fourreau (cf. Mt 26, 52), Jésus a tracé la voie de la non-violence, qu’il a parcourue jusqu’au bout, jusqu’à la croix, par laquelle il a réalisé la paix et détruit l’inimitié (cf. Ep 2, 14-16). C’est pourquoi, celui qui accueille la Bonne Nouvelle de Jésus sait reconnaître la violence qu’il porte en lui-même et se laisse guérir par la miséricorde de Dieu, en devenant ainsi, à son tour, un instrument de réconciliation, selon l’exhortation de saint François d’Assise : « La paix que vos bouches annoncent, ayez-la plus encore en vos cœurs »[3].
Être aujourd’hui de vrais disciples de Jésus signifie adhérer également à sa proposition de non-violence. Comme l’a affirmé mon prédécesseur Benoît XVI, elle « est réaliste, car elle tient compte du fait que dans le monde il règne trop de violence, trop d'injustice, et que par conséquent, on ne peut surmonter cette situation qu'en lui opposant un supplément d'amour, un supplément de bonté. Ce ‘‘supplément’’ vient de Dieu »[4]. Et il ajoutait avec une grande force : « Pour les chrétiens, la non-violence n'est pas un simple comportement tactique, mais bien une manière d'être de la personne, l'attitude de celui qui est tellement convaincu de l'amour de Dieu et de sa puissance, qu'il n'a pas peur d'affronter le mal avec les seules armes de l'amour et de la vérité. L'amour de l'ennemi constitue le noyau de la ‘‘révolution chrétienne’’ »[5]. Justement, l’évangile du aimez vos ennemis (cf. Lc 6, 27) est considéré comme «la magna charta de la non-violence chrétienne » ; il ne consiste pas « à se résigner au mal […] mais à répondre au mal par le bien (cf. Rm 12, 17-21), en brisant ainsi la chaîne de l'injustice »[6].
Plus puissante que la violence
4. La non-violence est parfois comprise dans le sens de capitulation, de désengagement et de passivité, mais en réalité il n’en est pas ainsi. Lorsque Mère Térésa a reçu le Prix Nobel de la Paix en 1979, elle a livré clairement son message de non-violence active : « Dans notre famille, nous n’avons pas besoin de bombes et d’armes, de détruire pour apporter la paix, mais uniquement d’être ensemble, de nous aimer les uns les autres […]. Et nous pourrons vaincre tout le mal qu’il y a dans le monde »[7]. Car, la force des armes est trompeuse. « Tandis que les trafiquants d’armes font leur travail, il y a les pauvres artisans de paix qui, seulement pour aider une personne, une autre, puis une autre, puis une autre, donnent leur vie » ; pour ces artisans de paix, Mère Térésa est « un symbole, une icône de notre temps »[8]. En septembre dernier, j’ai eu la grande joie de la proclamer sainte. J’ai loué sa disponibilité envers tous par « l’accueil et la défense de la vie humaine, de la vie dans le sein maternel [et] de la vie abandonnée et rejetée. […] Elle s’est penchée sur les personnes abattues qu’on laisse mourir au bord des routes, en reconnaissant la dignité que Dieu leur a donnée ; elle a fait entendre sa voix aux puissants de la terre, afin qu’ils reconnaissent leurs fautes face aux crimes – face aux crimes - de la pauvreté qu’ils ont créée eux-mêmes »[9]. En réponse, sa mission – et en cela, elle représente des milliers, voire des millions de personnes – est d’aller à la rencontre des victimes avec générosité et dévouement, en touchant et en pansant tout corps blessé, en guérissant toute vie brisée.
La non-violence pratiquée avec détermination et cohérence a donné des résultats impressionnants. Les succès obtenus par le Mahatma Gandhi et Khan Abdul Ghaffar Khan dans la libération de l’Inde, et par Martin Luther King Jr contre la discrimination raciale ne seront jamais oubliés. Les femmes, en particulier, sont souvent des leaders de non-violence, comme par exemple, Leymah Gbowee et des milliers de femmes libériennes, qui ont organisé des rencontres de prière et une protestation non-violente (pray-ins) obtenant des négociations de haut niveau pour la fin de la deuxième grande guerre civile au Libéria.
Nous ne pouvons pas non plus oublier la décennie historique qui s’est conclue par la chute des régimes communistes en Europe. Les communautés chrétiennes ont apporté leur contribution par la prière insistante et l’action courageuse. Le ministère et le magistère de saint Jean-Paul II ont exercé une influence particulière. En réfléchissant sur les événements de 1989 dans l’Encyclique Centesimus annus (1991), mon prédécesseur soulignait qu’un changement historique dans la vie des peuples, des nations et des États se réalise « par une lutte pacifique, qui [utilise] les seules armes de la vérité et de la justice »[10]. Ce parcours de transition politique vers la paix a été rendu possible en partie « par l'action non violente d'hommes qui, alors qu'ils avaient toujours refusé de céder au pouvoir de la force, ont su trouver dans chaque cas la manière efficace de rendre témoignage à la vérité ». Et il concluait : « Puissent les hommes apprendre à lutter sans violence pour la justice, en renonçant à la lutte des classes dans les controverses internes et à la guerre dans les controverses internationales »[11].
L’Église s’est engagée pour la réalisation de stratégies non-violentes de promotion de la paix dans beaucoup de pays, en sollicitant même les acteurs les plus violents dans des efforts pour construire une paix juste et durable.
Cet engagement en faveur des victimes de l’injustice et de la violence n’est pas un patrimoine exclusif de l’Église catholique, mais est propre à de nombreuses traditions religieuses pour lesquelles « la compassion et la non-violence sont essentielles et indiquent la voie de la vie »[12]. Je le réaffirme avec force : « Aucune religion n’est terroriste »[13]. La violence est une profanation du nom de Dieu[14]. Ne nous lassons jamais de le répéter : « Jamais le nom de Dieu ne peut justifier la violence. Seule la paix est sainte. Seule la paix est sainte, pas la guerre ! »[15].
La racine domestique d’une politique non-violente
5. Si l’origine dont émane la violence est le cœur des hommes, il est alors fondamental de parcourir le sentier de la non-violence en premier lieu à l’intérieur de la famille. C’est une composante de cette joie de l’amour que j’ai présentée, en mars dernier, dans l’Exhortation apostolique Amoris laetitia, en conclusion de deux ans de réflexion de la part de l’Église sur le mariage et la famille. La famille est le creuset indispensable dans lequel époux, parents et enfants, frères et sœurs apprennent à communiquer et à prendre soin les uns des autres de manière désintéressée, et où les frictions, voire les conflits doivent être surmontés non pas par la force, mais par le dialogue, le respect, la recherche du bien de l’autre, la miséricorde et le pardon[16]. De l’intérieur de la famille, la joie de l’amour se propage dans le monde et rayonne dans toute la société[17]. D’autre part, une éthique de fraternité et de coexistence pacifique entre les personnes et entre les peuples ne peut se fonder sur la logique de la peur, de la violence et de la fermeture, mais sur la responsabilité, sur le respect et sur le dialogue sincère. En ce sens, j’adresse un appel en faveur du désarmement, ainsi que de la prohibition et de l’abolition des armes nucléaires : la dissuasion nucléaire et la menace de la destruction réciproque assurée ne peuvent pas fonder ce genre d’éthique[18]. Avec la même urgence, je supplie que cessent la violence domestique et les abus envers les femmes et les enfants.
Le Jubilé de la Miséricorde, conclu en novembre dernier, a été une invitation à regarder dans les profondeurs de notre cœur et à y laisser entrer la miséricorde de Dieu. L’année jubilaire nous a fait prendre conscience du grand nombre et de la grande variété des personnes et des groupes sociaux qui sont traités avec indifférence, sont victimes d’injustice et subissent la violence. Ils font partie de notre ‘‘famille’’, ils sont nos frères et nos sœurs. C’est pourquoi les politiques de non-violence doivent commencer entre les murs de la maison pour se diffuser ensuite dans l’entière famille humaine. « L’exemple de sainte Thérèse de Lisieux nous invite à pratiquer la petite voie de l’amour, à ne pas perdre l’occasion d’un mot aimable, d’un sourire, de n’importe quel petit geste qui sème paix et amitié. Une écologie intégrale est aussi faite de simples gestes quotidiens par lesquels nous rompons la logique de la violence, de l’exploitation, de l’égoïsme. »[19].
Mon invitation
6. La construction de la paix au moyen de la non-violence active est un élément nécessaire et cohérent avec les efforts permanents de l’Église pour limiter l’utilisation de la force par les normes morales, par sa participation aux travaux des institutions internationales et grâce à la contribution compétente de nombreux chrétiens à l’élaboration de la législation à tous les niveaux. Jésus lui-même nous offre un ‘‘manuel’’ de cette stratégie de construction de la paix dans le Discours sur la montagne. Les huit béatitudes (cf. Mt 5, 3-10) tracent le profil de la personne que nous pouvons qualifier d’heureuse, de bonne et d’authentique. Heureux les doux – dit Jésus –, les miséricordieux, les artisans de paix, les cœurs purs, ceux qui ont faim et soif de justice.
C’est aussi un programme et un défi pour les leaders politiques et religieux, pour les responsables des institutions internationales et pour les dirigeants des entreprises et des media du monde entier : appliquer les Béatitudes dans leur manière d’exercer leurs responsabilités propres. Un défi à construire la société, la communauté ou l’entreprise dont ils sont responsables avec le style des artisans de paix ; à faire preuve de miséricorde en refusant de rejeter les personnes, d’endommager l’environnement et de vouloir vaincre à tout prix. Cela demande la disponibilité « [à] supporter le conflit, [à] le résoudre et [à] le transformer en un maillon d’un nouveau processus »[20]. Œuvrer de cette façon signifie choisir la solidarité comme style pour écrire l’histoire et construire l’amitié sociale. La non-violence active est une manière de montrer que l’unité est vraiment plus puissante et plus féconde que le conflit. Tout dans le monde est intimement lié[21]. Certes, il peut arriver que les différences créent des frictions : affrontons-les de manière constructive et non-violente, de façon que « les tensions, et les oppositions [puissent] atteindre une unité multiforme, unité qui engendre une nouvelle vie », en conservant « les précieuses potentialités des polarités en opposition »[22].
J’assure que l’Église catholique accompagnera toute tentative de construction de la paix, y compris par la non-violence active et créative. Le 1er janvier 2017 naît le nouveau Dicastère pour le Service du Développement humain intégral, qui aidera l’Église à promouvoir de manière toujours plus efficace les « biens incommensurables de la justice, de la paix et de la sauvegarde de la création » et de la sollicitude envers les migrants, « les personnes dans le besoin, les malades et les exclus, les personnes marginalisées et les victimes des conflits armés et des catastrophes naturelles, les détenus, les chômeurs et les victimes de toute forme d’esclavage et de torture »[23]. Chaque action dans cette direction, aussi modeste soit-elle, contribue à construire un monde libéré de la violence, premier pas vers la justice et la paix.
En conclusion
7. Conformément à la tradition, je signe ce Message le 8 décembre, fête de l’Immaculée Conception de la Bienheureuse Vierge Marie. Marie est la Reine de la Paix. À la naissance de son Fils, les anges glorifiaient Dieu et souhaitaient paix sur la terre aux hommes et aux femmes de bonne volonté (cf. Lc 2, 14). Demandons à la Vierge d’être notre guide.
« Tous nous désirons la paix ; beaucoup de personnes la construisent chaque jour par de petits gestes ; nombreux sont ceux qui souffrent et supportent patiemment les efforts de beaucoup de tentatives pour la construire »[24]. En 2017, engageons-nous, par la prière et par l’action, à devenir des personnes qui ont banni de leur cœur, de leurs paroles et de leurs gestes, la violence, et à construire des communautés non-violentes, qui prennent soin de la maison commune. « Rien n’est impossible si nous nous adressons à Dieu dans la prière. Tous nous pouvons être des artisans de paix »[25].
Du Vatican, le 8 décembre 2016
Franciscus
[1] Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 228.
[2] Message pour la célébration de la 1ère Journée de la Paix, 1er janvier 1968.
[3] « Légende des trois compagnons », n. 58, Sources franciscaines, Cerf/Éditions franciscaines, 2010, p. 1146.
[4] Angelus, 18 février 2007.
[5] Ibid.
[6] Ibid.
[7] Mère Térésa, Discours pour le Prix Nobel, 11 décembre 1979.
[8] Méditation « La route de la paix », Chapelle de la Domus Sanctae Marthae, 19 novembre 2015.
[9] Homélie pour la canonisation de la bienheureuse Mère Térésa de Calcutta, 4 septembre 2016.
[10] N. 23.
[11] Ibid.
[12] Discours lors de l’Audience interreligieuse, 3 novembre 2016.
[13] Discours à la 3ème Rencontre mondiale des mouvements populaires, 5 novembre 2016.
[14] Cf. Discours lors de la Rencontre avec le Cheikh des Musulmans du Caucase et avec des Représentants des autres communautés religieuses, Bakou, 2 octobre 2016.
[15] Discours, Assise, 20 septembre 2016.
[16] Cf. Exhort. ap. postsyn. Amoris laetitia, nn. 90-130.
[17] Cf. Ibid., nn. 133.194.234.
[18] Cf. Message à l’occasion de la Conférence sur l’impact humanitaire des armes nucléaires, 7 décembre 2014.
[19] Lett. enc. Laudato si’, n. 230.
[20] Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 227.
[21] Cf. Lett. enc. Laudato si’, nn. 16.117.138.
[22] Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 228.
[23] Lettre apostolique sous forme de ‘‘Motu proprio’’ par laquelle est institué le Dicastère pour le Service du Développement humain intégral, 17 août 2016.
[24] Regina Caeli, Bethléem, 25 mai 2014.
[25] Appel, Assise, 20 septembre 2016.

Hannouca et Noël - une chanson

Nous avons reçu d’un ami un beau film d’une chanson d’un rabbin et d’un êveque chantant ensemble.

Un rabbin et un êveque chantent ensemble en Espagnol, souhaitant l’un à l’autre de joyeuses vacances (Noël et Hannouca). Puissions-nous être tous capables de célébrer ensemble dans la joie et de nous réjouir avec nos voisins dans leurs fêtes. Puissent ces fêtes de lumière nous inspirer d’apporter notre propre lumière dans le monde !





Le dialogue entre Juifs et Chrétiens est "très bon" affirme de P. Hofmann

    Entretien au mensuel des communautés juives italiennes                      « Pagine ebraiche »

Audience Au Congrès Juif Mondial, WJC © L'Osservatore Romano
Le dialogue entre juifs et chrétiens est « très bon », affirme le père Norbert Hofmann. Le secrétaire de la Commission du Saint-Siège pour les relations avec le judaïsme souligne les avancées de ce dialogue, dans un entretien publié le 30 décembre 2016 sur le mensuel des communautés juives italiennes « Pagine ebraiche ».
Il se réjouit de l’état du dialogue entre juifs et chrétiens : « très bon », affirme-t-il. Soulignant « les petites et les grandes initiatives » nées de ce dialogue, il évoque particulièrement la Commission bilatérale des délégations du Grand rabbinat d’Israël et de la Commission du Saint-Siège pour les relations avec le judaïsme, qui s’est récemment réunie à Rome.
Un dialogue qui a commencé en 2002, rappelle-t-il : « Les résultats sont extraordinaires (…). Les relations d’amitié se renforcent. Ensemble, nous avons construit un parcours riche (…) avec un regard constant sur l’actualité ».
Et le salésien de donner un exemple concret : « Encore récemment, les prisonniers chrétiens en Israël ne pouvaient pas célébrer la messe avec du vin. (…) Notre délégation a entamé des négociations avec le ministre compétent. La question a été résolue   rapidement ».
Le dialogue de la commission bilatérale est « religieux », précise le père Hofmann, même si d’autres thèmes peuvent être « entremêlés ». La commission s’est ainsi penchée notamment sur « la sainteté de la vie, la base de l’éthique dans le judaïsme et dans le christianisme, les défis du leadership religieux ».