Lucia de la communauté à Jérusalem écrit de la
fête. Cette fête a été établie pour commémorer l’événement dont parlent les
trois Evangiles synoptiques ainsi que la 2e Epître de Pierre (2P 1,16-18)
: à l’approche de sa passion et de sa mort rédemptrice, Jésus donne à trois
disciples qu’il a choisis d’entrevoir sa gloire divine.
L’histoire de cette fête remonte au IVe siècle,
quand la reine Hélène fit bâtir l’église de la Transfiguration sur le mont
Thabor en Galilée, où la tradition chrétienne situe cet événement. Vers le Ve
siècle, la fête se répandit dans toutes les Eglises d’Orient, et aujourd’hui
elle fait partie des 12 fêtes majeures du calendrier orthodoxe. En Occident, la
fête garda pendant longtemps un caractère local et ne fut instituée officiellement
dans l’Eglise Catholique qu’au milieu du XVe siècle. Notons, entre parenthèses,
que ce phénomène illustre assez clairement, en général, les différences entre
la spiritualité chrétienne traditionnelle de l’Orient et celle de l’Occident :
si en Occident, l’accent est mis sur la Passion du Seigneur, en Orient il l’est
plutôt sur sa divine gloire. Les grands mystiques (comme, par exemple, certains
des Pères du Désert ou saint Seraphim de Sarov) reçoivent la grâce de la
transfiguration, ou “Lumière de Thabor”,
tandis que dans la spiritualité occidentale on considère souvent les stigmates
comme le plus haut don de la grâce. Ce n’est pas un hasard si le plus haut lieu
saint de la chrétienté s’appelle en Occident “Le Saint Sépulcre”, tandis qu’en Orient il se dénomme “l’église de la Résurrection”.
Les Evangiles (Mt 17,1-9; Mc
9,2-13; Lc 9,28-36)
décrivent la transfiguration de Jésus comme une sorte de parallèle de la
révélation au Sinaï. Une haute montagne, une nuée qui la couvre (cf. Ex 19,6) où entrent des témoins
élus qui voient la gloire de Dieu (Ex
24, 9-11), tandis que tous les autres restent en bas (Ex 20,21), une grande lumière (Ex 24,17), la voix de Dieu du
milieu de la nuée (Ex 24,16)…
et même les apôtres assoupis qui d’un coup se réveillent et voient la gloire de
Dieu. – Selon la tradition juive, le jour du don de la Torah au Sinaï, les fils
d’Israël se sont levés en peu trop tard et ont raté le début de la théophanie
(d’où la coutume de veiller toute la nuit de la fête du don de la Torah –
Shavouot – pour être, à l’approche de l’aube, prêts et en prière).
En se réveillant, les disciples voient Jésus
rayonnant d'une lumière qui n'est pas de cette terre, en conversation avec
Moïse et Elie – deux prophètes majeurs d’Israël avec qui Dieu avait parlé au
Sinaï : avec Moïse – dans la voix du tonnerre, des éclairs et des puissants
sons de trompette (Ex 19,16)
–, avec Elie – dans un subtil silence d’une brise légère (1 Rois 19,11-12). Maintenant, Dieu leur parle en un Homme.
Aux trois disciples choisis est préparée une
place particulière dans l’Eglise naissante, mais pas celle que demanderont
Jacques et Jean, aveuglés par la vision de la gloire de Jésus : s’asseoir l’un
à sa droite, l’autre à sa gauche dans son Royaume; cette requête avait provoqué
la colère de Pierre, déjà entré dans son rôle de leader, et d’autres disciples.
Pierre sera à la tête de l’Eglise sur terre, Jacques sera le premier des
apôtres à recevoir le martyre pour Jésus, Jean restera le dernier témoin de la
vie terrestre du Christ et aura à ouvrir à l’Eglise les profondeurs de la vie
mystique. Ces trois-là parmi les premiers, ayant tout quitté, ont suivi Jésus.
A eux seuls il a été donné d’être témoins de certains événements particuliers :
la première guérison – celle de la belle-mère de Pierre (Mc 1,29-31), la pêche miraculeuse (Lc 5,1-11), la résurrection de la fille de Jaïre (Lc 8,49-56), la prière de Jésus à
Gethsémani (Mt 26,36-46). A eux seuls a été donné de voir le Christ en gloire
pour fortifier leur foi en face des épreuves à venir.
Sur le mont de la Transfiguration nous est
donnée l’image de la plénitude de l’Eglise et de la plénitude de la Révélation
: Moïse – Torah; Elie – les Prophètes; les apôtres – le Nouveau Testament; tout
se réunit autour de Jésus et en Jésus. Israël de la première alliance et Israël
de la nouvelle alliance avec Pierre que dès les premiers jours Dieu a choisi
pour que les païens entendent de sa bouche la parole de la Bonne Nouvelle et
embrassent la foi (Ac 15,7) :
qu’eux aussi reçoivent la repentance qui conduit à la vie (Ac 11,18). Autour de Jésus se réunit l’Eglise de la première
et de la nouvelle alliance dans toute la richesse des charismes et dons :
autorité et service, prédication agissante, témoignage et martyre,
contemplation mystique. Eglise céleste et Eglise terrestre. Union du Père, du
Fils et du Saint Esprit. Comme au Baptême au Jourdain, témoignage du Père sur
Jésus : “Celui-ci est Mon Fils bien-aimé
qui a toute ma faveur, écoutez-Le”.
Il n’est pas donné à chacun de se tenir au
Sinaï et de recevoir des révélations divines. Mais ici, sur terre – “écoutez-Le”. Car “il n’y a pas sous le ciel d’autre nom donné aux hommes, par lequel nous
devrions être sauvés” (Ac 4,12).
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