Fêtée le 9 août, Edith Stein,
juive allemande devenue carmélite, a “témoigné de la confiance en Dieu au-delà
de tout”. Sœur Elisabeth, du Carmel du Pâquier (FR), évoque l’héritage
spirituel de celle qui a failli rejoindre leur couvent avant d’être déportée à
Auschwitz.
Si les carmélites du Pâquier s’intéressent beaucoup à l’histoire d’Edith
Stein, c’est parce que la sainte était sur le point d’intégrer le carmel
fribourgeois lorsqu’elle a été déportée à Auschwitz. Sa chambre était prête.
Elle avait été préparée par une carmélite française, fille d’un officier. Cette
dernière voyait dans le geste d’accueillir ainsi une consoeur allemande, un
signe de paix entre les deux pays, précise Sœur Elisabeth.
Une chambre préparée en signe de
paix
Le projet de faire venir Edith Stein a cependant été contrarié par les
démarches administratives. Celles-ci ont traîné au niveau de la Confédération.
Le tout a été compliqué par le fait que la carmélite d’origine juive avait
insisté pour prendre avec elle sa sœur, Rosa, qui était laïque. Le carmel ne
pouvant pas accueillir de personnes laïques, il avait fallu chercher un
hébergement ailleurs, ce qui avait retardé la procédure. Sœur Thérèse-Bénédicte
de la Croix avait alors bon espoir de prochainement venir en Suisse. Le carmel
gruérien possède d’ailleurs une lettre dans laquelle elle remercie
l’institution de l’accueillir.
Edith Stein se trouvait alors dans un couvent d’Echt, au Pays-Bas. “Elle
n’avait pas réellement le désir de fuir, mais on lui avait conseillé de partir
en Suisse pour sa sécurité”, note Sœur Elisabeth. Elle ne verra cependant
jamais la chambre qui lui avait été préparée.
“Allons pour notre peuple”
En été 1942, les évêques néerlandais produisent en effet une lettre
ouverte appelant les fidèles à s’opposer au nazisme. En représailles, les
catholiques d’origine juive sont arrêtés et déportés à l’est, vers les camps
d’extermination. Edith et Rosa en sont victimes. Toutes deux mourront dans les
chambres à gaz d’Auschwitz, peu de temps après. Lorsque les soldats allemands
sont venus les prendre, Edith a dit à sa sœur: “Allons pour notre peuple”. “Car
elle n’avait jamais renié ses racines juives”, commente la religieuse du
Pâquier. Elle explique que la carmélite s’est occupée jusqu’au bout des
personnes qui l’accompagnaient vers la mort, principalement des enfants, avec
compassion et humanité.
La victoire finale sur le mal
Sœur Elisabeth estime que le témoignage de Thérèse-Bénédicte de la Croix
est plus que jamais d’actualité. “A l’heure où le sens fait défaut, elle a su
donner un sens au mal”. Dans une situation de souffrance et d’angoisse inouïe,
elle a “fait confiance à Dieu jusqu’au bout”, souligne la carmélite. “Edith
Stein a rappelé que Dieu est finalement vainqueur du mal”. D’ailleurs, une de
ses citations les plus connues dit: “Le monde est fait de contradictions… Mais
la finale ne sera pas faite de ces contradictions. Il ne restera que le grand
amour”. RZ
Carmélite, scientifique et
militante
Edith Stein vient au monde dans une famille juive, le 12 octobre 1891, à
Breslau, en Prusse, actuellement Wroclaw, à l’ouest de la Pologne . Malgré une
éducation marquée par le judaïsme, elle s’éloigne résolument à l’âge de
l’adolescence de toute croyance religieuse en même temps qu’elle quitte
librement l’école pour un temps. Sa vive intelligence l’engage à rechercher la
vérité avec les moyens nécessaires, note le Carmel de France sur son site
internet. Elle reprend donc le lycée et va s’inscrire à l’université pour
suivre les cours qui l’intéressent en psychologie et philosophie.
Edith Stein est l’une des rares femmes de son époque à fréquenter
l’université. Elle sera la première d’Allemagne à recevoir un doctorat en
philosophie avec sa thèse sur l’empathie. Elle devient élève puis assistante du
philosophe Edmund Husserl, dont les travaux en phénoménologie la rendent
attentive au phénomène religieux.
Quand la foi et la raison
s’allient
La question de la foi en Dieu s’impose progressivement à elle quand elle
voit une femme prier seule dans une église ou quand une de ses amies, veuve,
traverse le deuil en puisant sa force dans sa foi. En 1921, la lecture de
l’autobiographie de la carmélite Thérèse d’Avila la décide à demander le
baptême dans l’Eglise catholique. Unissant ses compétences philosophiques à la
lumière que lui donne la foi, Edith Stein se consacre pendant une dizaine
d’années à l’enseignement. Son principal souci est de mettre en valeur une
vision chrétienne de la personne humaine. Cet aspect de sa personnalité mérite
également d’être rappelé, note Sœur Elisabeth du Pâquier. “Son travail, qui a
conjugué philosophie et théologie, a montré que la science ne s’oppose pas à la
foi”.
Durant la période où elle enseigne, elle donne des conférences dans de
nombreux pays, notamment en Suisse. Elle y défend entre autres les droits des
femmes et l’importance de la famille. Elle milite aussi à cette époque au
niveau politique, étant notamment membre de l’Association prussienne pour le
vote des femmes.
Co-patronne de l’Europe
Pleinement lucide sur la signification de la montée du nazisme et
interdite d’enseignement en raison de sa foi juive, elle entre au Carmel de
Cologne en 1933 et y prend le nom de Thérèse Bénédicte de la Croix. Nouvelle
rupture avec sa famille et surtout avec sa mère qui ne comprend pas son choix.
Mais Edith poursuit son combat contre le mal qui se déchaîne dans le monde.
Incitée à quitter l’Allemagne, elle part pour le Carmel d’Echt en
Hollande en 1938. Suite à une dénonciation des exactions nazies par les évêques
hollandais, le pouvoir national-socialiste décide de déporter tous les
chrétiens d’origine juive. Le 9 août 1942, Edith Stein meurt dans les chambres
à gaz d’Auschwitz, à la fois victime de la Shoah et témoin du Christ.
Elle est
canonisée par le pape Jean-Paul II le 11 octobre 1998 et proclamée co-patronne
de l’Europe. (cath.ch/rz)
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