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lundi 1 mai 2017

Saint Joseph, à la fois père et fils


Pour Philippe Lefebvre, dominicain, bibliste, et professeur à l’université de Fribourg (Suisse), le personnage de saint Joseph – que nous fêtons ce 19 mars – ne peut se comprendre qu'à la lumière de l'Ancien Testament. C'est ce qu'il développe dans l'ouvrage Joseph, l'éloquence d'un taciturne (Salvator, 2012).

Que nous disent les Evangiles sur Joseph ?

À vrai dire, pas grand chose. On ne trouvera pas dans le Nouveau Testament une enquête journalistique sur Joseph qui nous rapporterait ses actes et ses paroles et détaillerait les traits de son caractère. Mais la façon qu'ont les évangélistes de le mettre en scène évoque des situations de l'Ancien Testament. Il est l'héritier d'un ensemble d'hommes qui ont vécu avec Dieu ou avec leur entourage des situations analogues. On peut parler ici d'une biographie biblique.

Quels liens, justement, peut-on faire entre les personnages de Joseph et des figures de l'Ancien Testament ?

Les exemples d'analogie sont nombreux. Joseph découvre que Marie est enceinte, il s'endort et dans son sommeil, Dieu le visite sous la forme d'un ange et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint » (Mt. 1, 20). Quand il se réveille, il prend effectivement Marie chez lui.
Il y a là une reprise de la scène inaugurale de la Bible. Après avoir été créé par Dieu, Adam s'endort et se réveille avec une femme créée pour lui. En Joseph nous retrouvons donc la figure d'Adam. De même l'épisode de la fuite en Égypte (Mt. 2, 13) rappelle la fuite à Madiane puis le retour en Égypte de Moïse (Ex. 2, 4). Joseph est en cela le nouveau Moïse. On pourrait ainsi citer beaucoup d'autres rapprochements.

Dans votre ouvrage, vous insistez sur le fait que Joseph est non seulement un père, mais aussi un fils...

Bien sûr, Joseph est le père de Jésus. C'est lui qui l'a éduqué. Mais en même temps, il est fils de Dieu et en témoigne. Il est celui qui écoute ce que Dieu lui dit, qui agit en conséquence et qui se met en marche à sa suite. Dans la Bible, c'est ce que signifie être fils : celui qui marche au pas de Dieu. S'il est père, au sens de la paternité dans l'Ancien Testament, c'est finalement parce qu'il enseigne à son Fils comment être fils devant Dieu.

Quel est le rapport de Joseph à Jésus, justement ?

Sur beaucoup d'aspect, Joseph est le précurseur de Jésus, il lui prépare le terrain. Dans l’Évangile de Matthieu, par exemple, Joseph est le premier personnage que découvre le lecteur. Matthieu étant placé au tout début du Nouveau Testament, c'est donc Joseph qui fait le lien entre l'Ancien et le Nouveau Testament, qui nous fait passer de l'un à l'autre. Ce n'est pas rien ! En cela, il précède Jésus qui vient accomplir les promesses de l'Ancien Testament. En épousant Marie, il est aussi précurseur d'un Christ Époux, thème très souvent abordé dans les Évangiles, tout comme celui de la noce. 
Nous avons vu que Joseph se plaçait aussi comme fils de Dieu. On peut donc dire que c'est le frère de Jésus. Même si cela n'écrase pas les générations, il arrive très souvent dans l'Ancien Testament que les fils rejoignent leur père dans une forme de fraternité devant Dieu. Je pense à Abraham circoncis en même temps que son fils Ismaël. Par ce rite, père et fils entrent en même temps dans l'alliance filiale avec Dieu. De même Zacharie est muet pendant toute la grossesse d’Élisabeth. Ce n'est qu'au moment où son fils, Jean-Baptiste, naît et pousse son premier cri que Zacharie retrouve la voix. Père et fils se rejoignent devant Dieu.

Joseph est le père de Jésus mais n'en est pas le géniteur...

Joseph, comme fils de David, appartient à la tribu de Juda. Or cette tribu est confrontée très souvent à des problèmes de paternité. Juda lui-même a trois fils. L'un meurt, l'autre ne veut pas d'enfant et le troisième est trop jeune, si bien qu'il finit par avoir un enfant avec la veuve de son fils pour perpétuer la lignée. David, entre autres aventures, a un enfant avec Bethsabée et essaye de faire passer celui-ci pour le fils d'Uri, le mari de Bethsabée. Aujourd'hui on dirait que Joseph s'inscrit dans une famille blessée. Dans cette lignée, c'est celui qui se comporte le plus comme un père ! La conséquence est que dans cette tribu choisie pour accueillir Jésus on ressent vraiment que Dieu est le premier père et qu'il vient guérir une paternité blessée.

Alors que la dévotion à Saint Joseph semble trouver un nouvel élan, quels enseignements les hommes d'aujourd'hui peuvent-ils trouver dans sa vie ?

Attention à ne pas faire de Joseph un super-père sur lequel on projette ses propres désirs, une sorte de porte-parole d'une paternité rêvée. De fait, il ne nous apprend rien d'un point de vue de la technique d'éducation. Nous n'en saurons pas plus sur la manière dont il passait ses week-end avec Marie et Jésus. 
Je pense que nous avons plutôt à apprendre de Joseph ce désir de marcher avec Dieu. Il accepte de le suivre alors que la situation est compliquée. Il faut se rendre compte de ce que signifie, à l'époque prendre Marie chez lui alors qu'elle est déjà enceinte ! Il découvre alors un Dieu présent dans l'inattendu. 
Joseph nous enseigne aussi que c'est dans la relation avec Marie qu'il comprend le plan de Dieu. Dans cette rencontre quelque chose de Dieu se dit et apparaît. Au début du Nouveau Testament, Joseph et Marie sont donc là pour témoigner d'une manière d'être ensemble et d'être avec Dieu qui nous concerne et sur laquelle nous pouvons prendre exemple. 

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