L’événement est aussi historique qu’émouvant : après neuf
mois de travail continu, le petit édifice qui, selon la tradition chrétienne,
abrite le tombeau de Jésus-Christ, a fait peau neuve. La façade en calcaire
rose, assombrie par la flamme des lampes à huile et des bougies, a retrouvé sa
couleur originelle et révèle désormais nettement les écritures en grec byzantin
gravées sur les parois. C’est officiel : « Les travaux de réhabilitation sur
le saint édicule sont terminés ».
Mercredi 20 mars au matin au Saint Sépulcre, Antonia
Moropoulou, qui a dirigé le chantier, a troqué son casque jaune contre un
foulard coloré noué autour du cou. Autour, des ouvriers s’activent pour défaire
les palissades qui protégeaient le bâtiment situé sous la rotonde de la
basilique.
Entamé en mai 2016, le chantier se termine avant les célébrations
de Pâques, calendrier liturgique oblige. Et selon l’accord conclu en mars 2016
par les Églises en charge des travaux – les grecs-orthodoxes, les franciscains
(de rite catholique) et les Arméniens orthodoxes, lesquelles ont confié la
restauration à une équipe scientifique de l’école polytechnique d’Athènes, sur
proposition de l’Église grecque-orthodoxe.
Un bâtiment
construit en 1810
Il s’agissait d’assurer « la stabilité structurelle »
du bâtiment construit sous la direction de l’architecte grec Komnenos en 1810,
après la destruction du précédent dans un incendie en 1808. Les intempéries, le
séisme de 1927, l’intense fréquentation et l’humidité persistante avaient
fortement endommagé l’ensemble actuel.
Dès juillet 2016, l’édicule a donc été désossé – ses
pierres numérotées, nettoyées et remises en place. Les fresques à l’intérieur
et les peintures sur bois du dôme ont été restaurées. Enfin, en février
dernier, la structure métallique installée en 1947 pour soutenir l’édicule a
été retirée, une fois sa stabilité assurée.
Mais le point d’orgue de la rénovation reste l’ouverture
du tombeau du Christ le 26 octobre 2016. Ce soir-là, une fois les portes de la
basilique closes, et l’autorisation obtenue de la part des chefs des trois
Églises, les scientifiques ont tiré les deux plaques de marbre qui recouvrent
la pierre où le corps de Jésus crucifié aurait été déposé. Moment unique, pour
les témoins, religieux et laïcs, qui ont eu la chance d’entrevoir la pierre du
tombeau taillé dans la roche, pendant les soixante heures d’intervention
technique.
Technologies de
pointe
« S’agit-il vraiment du tombeau de Jésus ? » La
question est sans cesse posée au professeur Moropoulou. Mais elle n’a pas la
réponse. On l’a mandatée pour une « rénovation conservatrice » et non pour
une « étude archéologique », rappelle le P. Eugenio Alliata, archéologue
et professeur au Studium Biblicum Franciscanum de Jérusalem.
Des moyens technologiques de pointe ont été déployés sur
le chantier, lequel a mobilisé plus de 70 personnes – ingénieurs, architectes
et conservateurs grecs, ainsi que des manœuvres locaux. Mais le volet
archéologique de l’opération n’a pas été traité. « C’était pourtant une
occasion unique », regrette le P. Alliata.
Il tire néanmoins quelques conclusions des rapports transmis
par Antonia Moropoulou. Tout d’abord, sur les dimensions de la chambre
funéraire : une « banquette étroite » taillée pour « un seul corps ».
Ensuite, sur l’identification des deux plaques de marbre de couleur grise et
marquée d’une croix lorraine, « caractéristique de l’époque croisée ».
Les examens archéométriques ont été réalisés pour déterminer l’ancienneté des
matériaux. « Les données seront mises en libre accès pour les chercheurs du
monde entier », a également assuré le professeur Moropoulou.
Trois millions et
demi d’euros de travaux
Malgré tout, l’archéologue franciscain salue la réussite
du chantier vécu dans un « contexte humain et religieux difficile »,
sous le statu quo qui régit la vie des communautés sur place. Une
cérémonie œcuménique aura d’ailleurs lieu pour bénir l’édicule restauré.
Avec un montant des travaux estimé à trois millions et
demi d’euros, les Églises gardiennes du lieu ont été aidées, entre autres, par
le Fonds mondial pour les monuments, la compagnie aérienne grecque Aegean
Airlines et le roi Abdullah II de Jordanie.
Le 18 mars, la Custodie de Terre Sainte a annoncé que le
Saint-Siège offrait 500 000 dollars pour la rénovation future du dallage autour
de l’édicule. Une contribution attribuée lorsque « les communautés
titulaires du statu quo » se seront mises d’accord sur ce nouveau
chantier.
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« L’émotion n’est
pas retombée »
par Marie-Armelle Beaulieu, rédactrice en chef de Terre
Sainte Magazine.
« Je suis entrée
dans l’édicule le lendemain de l’ouverture du tombeau de Jésus. Il faisait
sombre et c’est avec la seule lumière de mon téléphone que j’ai pu découvrir la
pierre où aurait été déposé le corps de Jésus. Potentiellement celle que
Marie-Madeleine, Pierre et Jean ont vue. Quatre mois après, l’émotion n’est
toujours pas retombée. Mon cerveau est comme en état d’apesanteur.
Cette expérience
n’a rien ajouté à ma foi en la résurrection de Jésus. Car après tout, je suis
entrée pour constater que le tombeau était vide : c’est ce qui me dit que le
Christ est vivant ! L’édicule a beau être restauré, il reste un écrin vide.
Ce mystère de la
vacuité à cet endroit du Saint Sépulcre nous engage à une démarche de foi. Il
faut y croire. Car le seul endroit où Il n’est pas, c’est bien ici. »
Claire Bastier (à Jérusalem)
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