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samedi 8 juillet 2017

Pourquoi le judaïsme nous est-il nécessaire pour adorer pleinement Jésus?


Pour raconter Jésus, les premiers Juifs qui crurent en lui utilisèrent le langage qui jusque-là leur servait à raconter Dieu.
1. Tout homme naît dans une culture et une tradition données. C’est un trait de la condition humaine que Dieu, s’Il choisit de s’incarner en un homme, doit partager. L’incarnation n’est pas une abstraction : en Jésus, le Verbe s’est fait homme à une époque et dans une tradition précises. Plus précisément : Dieu s’est fait Juif. Jésus a vécu en bon fils d’Israël.
      « En Jésus, Dieu ne s’est pas seulement fait homme, il s’est fait juif » (Marcel Dubois) Le mystère de l’Incarnation n’est pas une abstraction. Dieu a voulu visiter l’ensemble de l’humanité à travers une culture donnée, à une période précise : celles du judaïsme dit « du second Temple ». Comme aimait à le dire un pionnier en relations israélo-chrétiennes, le Père Marcel Dubois : « en Jésus, Dieu ne s’est pas seulement fait homme : il s’est fait juif ».
      L’Incarnation n’est pas une espèce de principe cosmo-planétaire abstrait selon lequel le Verbe serait entré en contact avec l’humanité, et qui justifierait qu’on le représentât comme un africain, un asiatique ou un européen indifféremment. D’un certain point de vue théologique, on peut avoir raison de le faire, pour exprimer le fait qu’il est bien le Sauveur de toute l’humanité. Mais la vérité historique, c’est que Jésus de Nazareth est un sémite, juif dans la Palestine juive du 1er siècle.
Il est très important de le rappeler à l’heure de la mondialisation, car s’incarner c’est vivre la condition humaine dans toutes ses dimensions 
Or une des dimensions de la condition humaine consiste à être situé dans une culture précise, dans un héritage singulier, dans une tradition bien enracinée. La culture que Dieu, souverainement, a élue pour venir nous visiter, c’est celle du peuple juif. Il y a là une pure « grâce », un choix incontestable parce que c’est le choix de Dieu.
 Jésus a vécu en bon fils d’Israël
. Tel que nous le font connaître les évangiles, comme tout homme Jésus connaît la faim (Matthieu 4,2), la soif (Jean 4), la fatigue (Jean 4,6), la fête villageoise (Jean 2), la joie (Luc 10,17-21) la tristesse et les larmes (Jean 11,35 ; Luc 19,41), le triomphe (Marc 11,1-11), l’angoisse (Marc 14,33), la douleur… Comme tout juif, il est circoncis le huitième jour, grandit en bon petit garçon juif (cf. Luc 2,40), soumis à ses parents (Luc 2,51). Joseph, son père adoptif, artisan, lui inculque les rudiments de la Tora et les principes rituels du pur et de l’impur au moins ceux qui sont liés aux travaux du bâtiment (charpentes) ou de l’agriculture (charrues et autres instruments). Myriam sa mère anime sans doute les prières domestiques. Il assiste aux prières communautaires à la synagogue (Luc 4,16 : « suivant sa coutume »). Il monte à Jérusalem pour les grandes fêtes de pèlerinage, avec ses parents quand il est petit (Luc 2,42), et entouré de ses disciples plus tard (Matthieu 20,18 ; Jean 2,13). Il porte peut-être les franges rituelles (Matthieu 9,20), respecte les sacrifices (Luc 2,24), les prêtres (Marc 1,44 ; Luc 5,14) et le Temple dont il défend même la sainteté (Jean 2,16). Il vient avant tout pour les brebis perdues de la maison d’Israël (Matthieu 10,6 ; 15,24) et annonce un accomplissement de la Tora en ses moindres détails (Matthieu 5,18)…

2. Dieu manifesta progressivement son identité (ce qu’on appelle la « révélation ») à travers la culture du peuple qu’il se choisit, au fil des siècles où se constituèrent les Écritures, le culte et la culture d’Israël. Dans cet ensemble symbolique de récits, de préceptes et de rites, Dieu préparait en quelque sorte la « grammaire» avec laquelle il pourrait révéler pleinement son mystère.
      En vue du jour où il se ferait homme par l’incarnation, Dieu, affirme Paul, « a choisi » le peuple juif Il a fait vivre à son peuple de multiples expériences historiques, mystiques, individuelles, collectives. Il les lui a fait recueillir, mémoriser et célébrer dans une littérature (les « Écritures »), et une liturgie sacrées, ainsi que dans des lois (les « commandements ») qui finirent par encadrer toute la vie quotidienne des Juifs. A l’intérieur du Peuple juif, Dieu développa donc un dispositif culturel, au long des siècles de l’Alliance vécue.
 Dieu a constitué en Israël la « grammaire » dont il allait se servir pour se révéler pleinement
Au 1er siècle, la culture juive avec ses Écritures singulières, prophéties, vieilles chroniques, lois, poèmes, épopées, récits circonstanciés, contes édifiants, avec sa liturgie aux rituels énigmatiques forme un ensemble symbolique qui constituait en quelque sorte la grammaire, l’alphabet, le langage, les symboles dont Dieu allait se servir pour se révéler pleinement.
      Entendons bien : il ne s’agit pas de dire que Dieu parle l’hébreu ! Il s’agit de comprendre, par exemple, que pour déployer le mystère de son amour inconditionnel, il lui fallut des histoires aussi terribles et pathétiques que celle d’Abraham (qui s’imagine que son Dieu veut qu’il sacrifie son fils) ; des histoires aussi joyeuses que des naissances miraculeuses qui remplissent tout le monde d’admiration, comme celle de Samuel ; des histoires à la fois tragiques et merveilleuses comme celle de Joseph trahi par ses frères mais qui finalement les sauve parce que la destinée conduite par Dieu l’a placé à la tête du domaine de Pharaon en Égypte. Il faut le sacrifice de l’Agneau et les traces de sang sur les linteaux à Pâques, l’expiation de Yom Kippour ou la fête du don de la Tora à la Pentecôte…
C’est un peu comme si Dieu avait élaboré une boite à outils, comme s’Il avait préparé les matériaux pour faire (comprendre) son intervention ultime et son chef d’œuvre : son incarnation
Lorsque tout fut prêt, il vint lui-même mobiliser, condenser, unifier tout ce langage symbolique : dans son « signe » parfait, Jésus de Nazareth.

3. La révélation historique du Dieu vivant était nécessaire, car sans elle, l’être humain n’a de Dieu qu’une image très déformée et vit prisonnier de préjugés sur ce qui est ou n’est pas « divin ». Même si nous n’en sommes pas conscients, nous rêvons tous d’un Dieu écrasant qui nous libérerait de notre liberté et de l’effort qu’elle nous demande pour être bons. Or c’est au contraire le « Dieu vivant», « le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob » que Jésus vient manifester, et non pas une déité abstraite ou concrète issue de l’imagination ou de la frustration humaines.
      Quand le chrétien dit « Jésus est Dieu », il dit quelque chose de vrai, et en même temps d’impossible à comprendre tout à fait… justement parce qu’il s’agit de Dieu ! Dire « Jésus est le Verbe divin fait homme », ce n’est pas affirmer une vérité qui s’imposerait d’emblée à tous : c’est condenser en quelques mots la question la plus profonde que Jésus oblige tout le monde à se poser, les amis comme les adversaires : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » (Matthieu 16,15). C’est énoncer ce que la tradition théologique appelle le « mystère ». Le Christ s’est présenté comme un mystère que Dieu révèle à ceux qu’il veut, aux humbles, à ceux qui l’aiment et donc le cherchent sans penser jamais le posséder.
 Le mot « Dieu » a en effet bien des significations, selon les diverses cultures du monde ou les périodes de l’histoire. 
On peut dire de beaucoup de systèmes religieux qu’« ils ont du zèle pour Dieu, mais c’est un zèle mal éclairé » (Romains 10,2). Il suffit d’observer les violences « religieuses » dans le monde d’aujourd’hui et dans notre propre pays pour constater que la notion de Dieu est ambiguë en dehors de la révélation, et toujours menacée même chez ceux qui bénéficient de celle-ci.
 Même si nous n’en sommes pas conscients, nous rêvons tous d’un Dieu écrasant qui nous libérerait de notre liberté et de l’effort qu’elle nous demande pour être bons.
Pour l’être humain pécheur, l’homme historique que nous connaissons, Dieu semble être avant tout « la plus grosse chose imaginable », une superpuissance qui dominerait tout, un pouvoir absolu capable de tout écraser. Une force incontrôlable génératrice de mal comme de bien, car au-delà de tout. Bref, l’homme plaque sur « Dieu » ses fantasmes de domination.
 La persistance et la puissance de cette caricature a une cause morale profonde. C’est que la liberté, la possibilité de faire des choix moraux, est lourde à supporter quand on commet le mal
. Les remords de la conscience sont pénibles : l’homme aspire à être délivré de sa propre liberté ! (Comme le disait Baudelaire en deux alexandrins des Fleurs du Mal : « je jalouse le sort des plus vils animaux |qui peuvent se plonger dans un sommeil stupide »). Spontanément l’homme pécheur aspire à être débarrassé de cette liberté et s’invente un Dieu qui s’imposerait à lui avec tout le poids de la fatalité.
 Il fallut des siècles au vrai Dieu pour se révéler
. Le Dieu vivant, celui qui se manifeste dans la culture du peuple qu’il s’est choisi, pour conduire ses prophètes, et ceux qui voulurent bien les écouter, de cette vision fruste du Dieu des armées, du tonnerre, de la terreur létale, à la rencontre du véritable Dieu qui fait alliance, qui est juste, miséricordieux, Dieu du fin silence, vivant et vivifiant, qui appelle l’homme à grandir depuis les tréfonds de sa conscience.
 C’est bien le « Dieu vivant », « le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob » que Jésus vient manifester, et non pas une déité abstraite ni une idole concrète issue de l’imagination ou de la frustration humaines
. Pour comprendre qui est Jésus et découvrir son mystère (cf. Éphésiens 3,9), il est donc indispensable de passer par sa culture juive imprégnée, par un prophétisme multiséculaire. En effet ce n’est ni Jupiter, ni Odin, ni Quetzalcoatl, ni aucune divinité forgée par l’imaginaire humain, qui s’est incarnée en Jésus. C’est le Dieu vivant d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, l’Unique au Nom imprononçable, Yhwh, à la fois Dieu des armées (« Adonaï Sabaoth ») et celui qui prend soin des plus faibles, qui regarde les cœurs abattus (Psaume 34,19 ; Psaume 147,3).

4. La divinité de Jésus Christ n’était pas être une idée claire et distincte accessible à la raison. Elle dépasse tout ce que l’homme peut imaginer : Dieu aime tant l’homme qu’Il se fait homme ! Jésus dut donc suggérer sa divinité progressivement.
      Jésus ne pouvait manifester sa divinité que de manière indirecte Il ne pouvait le faire de manière directe parce qu’il suggérait 1°/ qu’il était non seulement Dieu (en général, tel que tout un chacun peut l’imaginer) mais surtout 2°/ ce Dieu (celui qu’Israël avait appris à connaître).
 1°/ Jésus ne pouvait arriver en disant : « Me voici, je suis Dieu, croyez-moi ! » 
Jésus suggérait qu’il était Dieu. Faisons un peu de théologie-fiction. Essayons de nous représenter le Bon Dieu en Jésus, aux jours de sa chair. Sa tâche n’était pas facile, il ne pouvait pas arriver en disant : « - Me voici, je suis Dieu, croyez-moi ! » Quiconque dirait cela aujourd’hui, on l’internerait. Dans la culture de Jésus, on prenait des pierres pour lapider les blasphémateurs. L’accusation de blasphème venait de l’image de Dieu que l’on avait : le « tout puissant » fantasmé par un peuple sous le joug de ses occupants ne saurait s’abaisser à l’humble condition d’avoir à exercer le métier d’homme ! (Jean 10,33) Bref, comme on le voit dans tous les passages où l’on cherche à le « piéger en paroles » (par exemple Luc 11,54 ; Marc 12,13-14), d’une certaine manière, Jésus devait ET parler ET se taire, ne pas en dire trop.
 2°/ Jésus ne voulait pas s’imposer mais se proposer
Jésus devait révéler ce Dieu-ci : le Dieu des poètes-prophètes de la Genèse qui crée l’homme à son image, doté d’une conscience —libre ! Celui qui se révèle depuis « le commencement » veut se faire connaitre et aimer librement par ces animaux spirituels qu’il a créés. Si Dieu était, trop humainement, le despote transcendant régnant sur l’univers, il n’aurait qu’à détruire sa création et la recommencer comme bon lui semblerait. Mais le Dieu de Jésus est tout sauf cette idole née de la volonté de puissance. Ce Dieu ne veut pas s’imposer, mais se proposer.
 Jésus voulait se faire connaître : il a donc du parler, faire usage du langage humain 
Or le drame est que ce langage est asservi au mensonge, à la violence. Jésus doit donc parler avec nos mots pour Se dire, Lui qui est au-delà de tout mot, sans en dire trop non plus, s’il veut qu’on l’écoute et qu’on ne se scandalise pas aussitôt. C’est émouvant dans les évangiles : Jésus montre une forme d’impatience chez (Matthieu 11,25 : « Je te bénis Père… » Luc 22,15 : « J’ai ardemment désiré… »), et en même temps de réticence (Matthieu 17,9 « Il leur interdit de dire… ») qui culmine dans l’impressionnant silence de la Passion.
 Bref, pour faire connaître son Père et pour se faire connaître lui-même, Jésus doit à la fois se montrer et se cacher
. En paroles et en actes, il veut interpeller vivement ses interlocuteurs, dans l’espoir que certains comprendront l’œuvre si attendue et tellement inattendue qu’Il vient réaliser : renouveler toute la création en passant par la liberté des hommes à qui Il l’a confiée ! C’est pourquoi, après la mort du Christ en Croix, qui révèlera son Cœur transpercé et sa soif d’amour et de foi, le Nouveau Testament conclura logiquement : « Dieu est amour » (1 Jean 4,16). Or une telle révélation aurait été impossible sans la matrice juive où elle se déploya.

5. Jésus a dévoilé son mystère en mobilisant les mots et les gestes de la culture d’Israël : il dit ce que Dieu seul, dans cette culture, peut dire. Il fait ce que Dieu seul, dans cette culture, peut faire : par exemple il reprend à son compte la frontière fondamentale tracée par Dieu entre le pur et l’impur depuis la Genèse … mais pour en inverser le fonctionnement : avec lui, c’est le pur qui devient contagieux.
      Les évangélistes attribuent à Jésus un certain nombre de paroles que seul, normalement, le personnage de Dieu pouvait faire dans la mémoire vive d’Israël au 1er siècle. En voici quelques exemples.
      - Il prononce des paroles de pardon des péchés, qui offensent Dieu (Marc 2,10 ; Matthieu 9,5 ; Luc 7,48)
      - Il commande à la maladie, aux démons (Marc 1,27), au vent et à la mer avec l’autorité et la puissance du Créateur : « Qui donc est-il pour que même le vent et la mer lui obéissent ? » (Matthieu 4,41).
      - Dans enseignement, Jésus ose non seulement commenter les Écritures, comme faisaient d’autres sages juifs de son époque, mais carrément il les re-promulgue à son propre compte. Ce ne sera pas seulement « Moïse vous a dit » et voici comment il faut comprendre Moïse parce que tel autre nous a dit ceci et tel autre cela, mais c’est « vous avez entendu qu’il a été dit, et moi je vous dis » (Matthieu 5,21). Plus fort encore : « Tout pouvoir m’a été donné » (Matthieu 28,18) ; « Le Ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas » (Matthieu 24,35).
      - Il parle de son intimité avec Dieu en des termes encore plus intimes que Jérémie qui avait déjà scandalisé en son temps : il l’appelle « Abba », Père (Marc 14,36), affirme venir d’auprès de lui (Jean 9,16 ; 16,27), aller vers lui (Jean 1,18), être en lui (Jean 14,10 ; 10,30).
      - Plus spectaculairement encore, il use du nom divin révélé à Moïse « Je suis qui je suis » (Exode 3,14) comme du sien propre avec des variations : « Je suis doux et humble de cœur » (Matthieu 11,29), « Je suis le Pain de Vie » (Jean 6,35 ; 6,48 ; 6,51), « Je suis la Lumière du monde » (Jean 8,12 ; 9,5), « Je suis la Porte des brebis » (Jean 10,7 ; 10,9), « Je suis le bon Pasteur » (Jean 10,11 ; 10,14), « Je suis la Résurrection » (Jean 11,25), « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jean 14,6), « Je suis la Vigne véritable et mon Père est le vigneron » (Jean 15,1), « Je suis le Roi des juifs » (Jean 18,37), « Je suis le Premier et le Dernier, le Vivant » (Apocalypse 1,17). Ou encore : « Si vous ne croyez pas que Je suis, vous mourrez dans vos péchés » (Jean 8,44) « afin que vous croyiez que je suis » (Jean 13,19), « Quand vous m’aurez élevé de terre, vous saurez que Je suis ».
      - Du coup, Jésus finit par énoncer des exigences à son égard que seul Dieu peut avoir, comme de sacrifier tout pour le suivre ; il affirme que le salut des hommes dépend de leur attitude envers lui : « Qui aura perdu sa vie à cause de moi la trouvera » (Matthieu 10,39).
      La prétention de Jésus à une autorité exorbitante pour un simple homme dans la culture juive qui est la sienne, traverse tout son ministère non seulement en parole, mais aussi en actes.
 Jésus fait ce que Dieu seul peut faire : par exemple, il inverse le fonctionnement de la frontière fondamentale tracée par Dieu entre le pur et l’impur depuis la Genèse. Avec lui, c’est le pur qui devient contagieux !
 On caricature souvent le judaïsme comme une religion obsédée par la séparation du pur et de l’impur, par le maintien de frontières entre le sacré et le profane, dont les ghettos anciens des Juifs en Europe seraient les symboles. En réalité, c’est la vision du monde suscitée par les Écritures elles-mêmes : lorsque Dieu intervient, c’est pour mettre de l’ordre. Dès la première page de la Genèse, il sépare la lumière des ténèbres, le sec de l’humide, les hommes et les animaux, l’homme et la femme, puis ce seront le peuple d’Israël par rapport aux autres peuples, la tribu de Lévi par rapport à toutes les autres, les prêtres et les autres lévites… Bref, Dieu se manifeste en séparant : pour que ce qui est bon ne soit pas contaminé par ce qui est mauvais, pour préserver le pur contre l’impur, ce qui est sain contre la maladie, et finalement pour préserver la vie de la contagion de la mort. Par les règles de pureté, Dieu empêche que la maladie, le péché ou la mort soient vainqueurs. C’est pour cela que la Loi contient tant de recommandations et d’exigences de séparation radicale entre les malades et les bien-portants, les pécheurs publics et le reste de la communauté, etc.
 On imagine quelquefois grossièrement que Jésus serait venu nous libérer de tout cela. En réalité, l’œuvre de Jésus est bien plus subtile : il n’abolit rien, il accomplit
. Juif pieux, Jésus ne mélange pas tout et conserve évidemment la frontière entre pur et impur, entre le sacré et le profane. Simplement, Il la fait fonctionner en sens inverse : avec lui, ce n’est plus l’impureté qui risque d’être contagieuse, c’est la pureté se transmet à ce qu’elle touche !
      Dans plusieurs récits de guérisons, les évangélistes le soulignent par un effet de « zoom » cinématographique : face à tel lépreux, dont il faudrait se tenir à distance pour éviter la contagion de l’impureté, Jésus « étend la main » et « touche » le lépreux en lui annonçant sa guérison (Luc 5,13 ; Marc 1,41 ; Matthieu 8,3) ; un peu partout, il partage ses repas avec des pécheurs qu’il aurait fallu, selon l’interprétation habituelle des règles de pureté, maintenir à distance.
 La « révolution » de Jésus fait tout fonctionner en sens inverse
. Autrement dit, et c’est là le retournement total, la « révolution » religieuse de Jésus au sens strict : il reprend tout le langage et toutes les frontières du pur et de l’impur, du sacré et du profane, de la sainteté et du péché, il maintient la Loi, mais il les fait fonctionner en sens inverse. Par Jésus, santé, sainteté et vie deviennent contagieuses. Cette subversion de la mort par la vie et du péché par la sainteté culmine bien sûr dans le franchissement par Jésus de l’ultime frontière, celle de la mort, par sa résurrection, qui est au cœur de la confession de foi chrétienne.

6. Il manifeste par là une autorité stupéfiante - en fait : divine. Son autorité est telle que le nom de Jésus va jusqu’à remplacer le nom de Dieu dans les exorcismes.
      La question de l’autorité est brûlante dans le judaïsme de l’époque de Jésus. À l’époque, dite « du Second Temple », tous les Juifs partagent un tronc commun (en gros : le temple et la Tora), mais ils ne sont pas d’accord sur son interprétation. Par exemple, quel est le bon calendrier liturgique, celui du Temple ou celui de Qumran ? Qui a autorité pour enseigner, les prêtres au temple ou les laïcs, les maîtres pharisiens, dans la vie quotidienne ? Quels livres, au-delà de la Tora, font-ils partie des Écritures saintes ? Le seul texte juif sur Jésus de l’époque du Nouveau Testament, ne provenant pas de milieux chrétiens, un passage des Antiquités juives (18.63-64) de Flavius Josèphe, le grand historien juif du 1er siècle, décrit Jésus comme un personnage en qui se déploya une puissance hors-normes.
 Jésus affirme une grande autorité sur les rites (maître du sabbat, Marc 2,28), sur Loi (Matthieu 5,21) voire sur le Temple (Matthieu 12,6) ! 
Pour reprendre notre exemple précis, dans ce contexte d’autorités en compétition, l’enseignement de Jésus sur le pur et l’impur est d’une prétention incroyable. En inversant le mouvement aux frontières traditionnelles de la religion révélée, ce jeune Juif de Nazareth s’arroge une autorité sur un domaine qui ne relève que de Dieu ! Pour la mentalité juive traditionnelle, c’est scandaleux : Jésus apparait comme celui qui fait exactement l’inverse de l’œuvre de Dieu, ou comme celui qui défait l’œuvre de Dieu —bref comme « le diable » ! Les évangiles gardent le souvenir de ce scandale, dans la diabolisation réciproque du juif Jésus et des autres juifs dans les évangiles : « c’est par Beelzéboul que tu expulses les démons » (Marc 3,22) disent les uns —« vous êtes les fils du diable votre père » (Jean 8,44) répond l’autre.
 Telle était l’alternative dans laquelle le juif Jésus plaçait les autres Juifs : soit c’était un suppôt du diable qui subvertissait l’œuvre divine, soit c’était Dieu lui-même qui ré-intervenait dans le monde. 
Paul de Tarse, Juif et disciple de Jésus, fut inspiré pour échapper à cette contradiction : il comprit qu’en fait, en Jésus, Dieu reprenait son acte créateur à la base, en lui rendant sa logique originaire – il faisait rien moins qu’une « création nouvelle » (2 Co 5,17) ! Le même qui avait établi au commencement les frontières entre le pur et l’impur, le même apprenait que, désormais, c’était la vie, la sainteté, la santé qui étaient contagieuses. Le créateur se faisait recréateur. Il faut le souligner, c’est une révolution religieuse qu’on ne comprend que dans le cadre des Écritures hébraïques et des rites du judaïsme ! En dehors de cette culture juive qui prend très au sérieux l’organisation religieuse du monde, on ne comprend pas où est vraiment l’originalité de l’œuvre de Jésus.
 Cette autorité est telle que le nom de Jésus va jusqu’à remplacer le nom de Dieu dans les exorcismes !
 Comprenons bien : ce n’est pas le fait que Jésus fasse des miracles ou des exorcismes qui fait dire qu’il est Dieu. D’autres font des miracles et des exorcismes. Le fait qu’il y avait de nombreux thaumaturges et guérisseurs dans le peuple juif de l’époque est bien avéré, par exemple dans des manuscrits de Qumran. C’est l’autorité avec laquelle Jésus guérit ou exorcise qui est unique. Élie, par exemple, avait ressuscité le fils de la veuve de Sarepta en priant Dieu : « Seigneur mon Dieu, je t’en prie fais revenir en lui-même l’âme de cet enfant » (1 Rois 17, 8-24). Et Dieu l’avait exaucé. Or dans un épisode parallèle Jésus ressuscite lui-même le fils de la veuve de Naïm: il ne prie pas Dieu mais dit en son propre nom, avec l’autorité de Dieu : « Jeune homme, je te le dis, lève-toi ! » (Luc 7, 11-17) .
Il existe aujourd’hui encore des exorcismes dans les trois grands monothéismes, mais leur formule « au nom du grand Dieu » est restée stable pendant des millénaires. 
Depuis Babylone jusqu’à l’Islam contemporain, on chasse les démons « au nom du grand Dieu » (« Bismillah » en Islam / « Beshem Adonaï » dans le judaïsme). Or, malgré une telle stabilité, la seule communauté qui ait osé changer la formule, c’est le christianisme, où l’on exorcise non pas « au nom du grand Dieu », mais… « au nom de Jésus » !
 Cette substitution du nom de Jésus à celui de Dieu est impressionnante. 
Étant donnée la fixité millénaire de la formule, il est historiquement invraisemblable que de simples hommes, fussent-ils les Apôtres, se soient autorisé un tel changement. Un tel changement dans la formule d’exorcisme ne peut s’expliquer que par le déploiement, dans l’histoire, d’une autorité extraordinaire. Et de fait, les évangiles le font remonter à Jésus lui-même. Quand il expulsait les démons, au lieu de dire « au nom de Dieu » il disait « Je » ! Et pour que les disciples aient continué à exorciser « au nom de Jésus », il a fallu qu’ils constatent un déploiement d’autorité tangible dans leur histoire elle-même. Qu’ils constatent que le recours au nom de Jésus, cela « marchait » (cf. Actes 3,6).

7. C’est cette autorité divine qui est reconnue dans la vie des premières communautés (juives) qui crurent en Jésus au point de l’intégrer dans l’adoration due seulement à l’Unique. La foi au Christ fut d’abord une « ortho-praxie » (pratique droite), avant de devenir une « ortho-doxie » (enseignement droit).
      Dans le contexte juif, Jésus ne peut pas être un simple homme que l’on aurait divinisé après coup. Si Jésus est juif et si toute l’histoire de la révélation, y compris la première Église, est juive, Jésus n’est pas un homme dont on a fait un Dieu. Imagine-t-on vraiment des Juifs du premier siècle pratiquant sur leur rabbi une sorte d’apothéose païenne ? Un tel mouvement, pure idolâtrie, inspire l’horreur. Jésus n’aurait jamais été reconnu par certains comme « Dieu parmi nous », ou Emmanuel.
 Or c’est un fait établi que les disciples de Jésus, très tôt et en contexte juif, vénérèrent Jésus comme divin (cf. He 1,10). 
Que l’on songe à certaines expressions des hymnes primitives citées par Paul dans ses lettres, donc antérieures aux années 50 : Jésus est l’« l'image du Dieu invisible » dans sa lettre aux Colossiens, par exemple! A plusieurs reprises, Paul, le premier écrivain sur Jésus, qui continue, en « pharisien » qu’il prétend être, à ridiculiser les païens qui idolâtrent, place tout bonnement Jésus dans l’adoration due à l’Unique Dieu d’Israël, sans raisonnement pour expliquer que Jésus est Dieu (Éphésiens 3, 20-21 ; Philippiens 2,10 ; 2 Thessaloniciens 1,12 ; Tite 2,13).
 Ou bien ce fut une affreuse idolâtrie —invraisemblable dans un tel milieu— , ou bien il faut penser les choses dans le sens inverse d’une adoration assumée. 
L’impact de ce Juif sur les Juifs qui crurent en lui ne fut pas celui d’un simple homme, mais celui d’une « autorité » bien plus haute. Paul en livre un indice : son problème de prédicateur semble moins d’inculquer la divinité de Jésus, que de défendre son humanité : « Si si, il est bien homme, né d’une femme, sujet de la Loi » (Ga 4,4) ! Comme si c’était sa divinité qui était une évidence. Et une telle « évidence » ne peut s’expliquer historiquement que par le fait que Paul et les autres premiers juifs à reconnaître en Jésus leur Dieu y était comme contraint dans les faits.
 La foi au Christ fut d’abord une « ortho-praxie » (pratique droite), avant de devenir une « ortho-doxie » (enseignement droit).
 Le dogme christologique, bien avant de devenir une orthodoxie gréco-romaine aux 3ème et 4ème siècles, fut une orthopraxie juive. Avant de thématiser toute une christologie à partir du 2ème siècle, on a commencé par poser à l’égard de Jésus des paroles et des gestes d’adoration, qu’on ne pouvait, dans le cadre juif, poser qu’à l’égard du Dieu unique.
 Tout au long de sa vie mise en récits dans les évangiles, Jésus est adoré, prié, invoqué comme ne peut l’être que Dieu et il ne repousse guère ces actes d’adoration de sa personne. 
Pierre (Actes 10,26) et Paul (Actes 14,15) se fâchent quand on les vénère ou quand on se prosterne devant eux, mais jamais Jésus ne repousse quelque forme de culte ou d’adoration qu’on lui rend comme à un Dieu. De sa naissance à sa mort, on vient l’adorer (Hébreux 1,6), on se prosterne devant lui (Matthieu 2,11 ; 8,2), on tombe à genoux devant lui (Matthieu 17,14), on confesse son nom (1 Jean 2,23), on le prie (Marc 5,23) comme on prie Dieu, alors que l'Écriture dit : « tu adoreras le Seigneur ton Dieu et à lui seul tu rendras un culte » (Deutéronome 6,13).
 C’est d’ailleurs ainsi qu’on explique sa mise à mort : « Toi qui n’est qu’un homme, tu te fais Dieu » (Jean 10,33)
 « Vous avez entendu le blasphème » (Matthieu 26,65 ; Marc 14,64). Et de même celle de ses premiers disciples : Étienne tandis qu’il est lapidé voit Jésus debout à la droite de Dieu et il prie en disant : « Seigneur Jésus reçois mon esprit » (Actes 7,59) comme le Christ avait dit citant le Psaume 30 : « Père, entre tes mains je remets mon esprit » (Luc 23,45).
 Les juifs du 1er siècle, qui adoraient au Temple, n’étaient cependant pas dépourvus de moyens pour penser la demeure de la divinité en un homme
. On peut raisonnablement penser que la plus ancienne « christologie » a été une théologie de l'habitation du Nom de Dieu dans un homme (Philippiens 2,10), projetant sur le corps de Jésus ce qu’on disait d’un bâtiment de pierres. Aux juifs qui croient en la présence de Dieu dans un coffre de bois doré (l’arche d’Alliance) ou dans le sanctuaire du Temple était-il vraiment incroyable que le Très-Haut choisisse de résider dans l’homme, la plus belle de ses créatures? C’est en tout cas le pari que firent les disciples juifs de Jésus.

8. Dans le prolongement de l’autorité déployée par Jésus lui-même durant son ministère, bien avant l’expression du dogme christologique qui définirait finalement l’orthodoxie dans le monde gréco-romain des 3ème et 4ème siècles, les écrivains du Nouveau Testament se mettent à attribuer systématiquement au Christ ce qui était strictement réservé à Dieu dans la révélation du judaïsme.
      En définitive, les Juifs qui crurent en Jésus-Christ mobilisèrent toute la grammaire mise au point par le Dieu « jaloux » de l’Ancien Testament, tous les titres et fonctions réservés à Dieu seul dans la Révélation  « Celui qui est » (Exode 3,14), « Seigneur » (Deutéronome 10,17), « Créateur » (Genèse 1,1), « Sauveur » (Sagesse 16,7), « Rédempteur » (Isaïe 63,16), « Puissant » (Isaïe 49,26), « Maître » (Psaume 97,5), « Juge » (Psaume 50,6), « Lumière » (Psaume 27,1), « Saint » (Isaïe 1,4), « Roi » (Isaïe 33,22), « Bon Pasteur » (Ézéchiel 34,12), etc. — et attribuèrent tout cela systématiquement à Jésus : Jean 13,19 ; Jean 1,3 ; Jean 4,42 ; Jean 21,7 ; Éphésiens 1,7 ; Jean 13,13 ; Hébreux 1,3 ; 2 Tite 4,8 ; Jean 1,9 ; Apocalypse 3,7 ; 1 Jean 5,20 ; Jean 10,14). Dans l’Apocalypse, le Vieillard (Dieu le Père) et l’Agneau (Jésus) reçoivent même honneur et même gloire et sont tous deux adorés également (Apocalypse 5,13). On vénère maintenant la Gloire de Jésus (2 Timothée 4,18), en attendant son Jour (Jean 6,44), lui qui est l’Alpha et l’Oméga, le Commencement et la fin (Apocalypse 1,8 ; 1,17 ; 21,6 ; 22,13), Seigneur des seigneurs, et Roi des rois (Apocalypse 17,14 ; 19,16 ; 1 Timothée 6,15). 
À la fin du processus de révélation du Nouveau Testament, rien de ce qui appartient à Dieu seul ne semble refusé à Jésus 
« Au commencement était le Verbe et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu » (Jean 1,1), « Mon Seigneur et mon Dieu » (Jean 20,28), « Le Christ est au dessus de tout, Dieu béni éternellement » (Romains 9,5), « Toute la plénitude de la divinité habite corporellement dans le Christ » (Colossiens 2,9), « En attendant l’apparition de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur Jésus Christ » (Tite 2,13), « la justice de notre Dieu et Sauveur Jésus-Christ » (2 Pierre 1,1), « Jésus Christ est le Dieu véritable et la vie éternelle » (1 Jean 5,20). Jean, le dernier évangéliste, décrit Jésus affirmant Dieu son propre Père (Jean 5,18) et annonçant l’Esprit qui procède du Père et du Fils (Jean 15,26). Après avoir baptisé au Nom unique du Père, du Fils et de l’Esprit (Matthieu 28,19).
L’Église résumerait finalement cette révélation du Dieu unique, Père, Fils et Saint-Esprit dans le dogme de la Trinité … 
Cette adoration de Jésus a peut-être laissé une trace très concrète dans l’écriture des premiers  scribes chrétiens. En effet, ils semblent avoir traité des mots liés à Jésus, d’une manière semblable à celle dont les scribes juifs traitaient le tétragramme divin lui-même. En effet, ceux-ci copiaient le Nom de Dieu YHWH en écriture paléohébraïque, dans des textes tout entiers écrits en hébreu carré, ce qui faisait en quelque sorte clignoter le Nom imprononçable sur la page, même pour ceux qui ne pouvaient pas lire.  Dans les manuscrits chrétiens, des noms tels que Seigneur (kurios), Dieu (theos ), Jésus (iêsous;), Christ (christos) furent abrégés de façon immédiatement repérables sur la page de grec cursif : KC ; ΚΥ ; ΚΡC, ou ΘC ; ΘΥ, ou ΙC ; ΙΥ ; IΗC, ou  XC XΥ ; XΡC.  Plus spectaculaire encore, on inventa un « staurogramme », combinaison de  rho (P) et de tau (T) qui, visuellement, ressemble à un corps mis en croix, la boucle du P figurant la tête, les deux bras du T les bras du Crucifié. On le trouve dans les papyri chrétiens les plus vénérables tels P 66, P75, P45 — émouvants témoignages de l’extension précoce de l’adoration due à l’Unique en direction du Sauveur qu’Il avait envoyé….  

9. Le judaïsme demeure donc la matrice indispensable à la compréhension de la Révélation de Dieu. Le peuple juif a toujours quelque chose à dire au chrétien, car « les dons de Dieu sont sans repentance » (Rm 11,29) comme le Concile Vatican II l’a rappelé avec insistance.
Pendant trop longtemps, pour beaucoup de chrétiens, l’histoire de Dieu incarné dans le Juif Jésus se terminait par le fait que les Juifs n’avaient pas voulu le reconnaître
Les juifs l’avaient rejeté, tandis que les païens (devenus chrétiens), récupéraient le morceau, abandonnant les pauvres juifs dans les marges de l’histoire. Dans la réalité, comme le second Concile du Vatican l’a heureusement rappelé, « les dons et les appels de Dieu sont sans repentance » (Romains 11,29). Contre la tendance ancienne à le réduire à une espèce d’organe-témoin d’une évolution religieuse qui l’aurait rendu complètement obsolète, de grands témoins de notre époque comme le Cardinal Lustiger, saint Jean-Paul II ou le Pape Benoit XVI, très audacieux sur ces questions-là, nous invitent à réfléchir aux enseignements que la destinée du peuple juif d’aujourd’hui, y compris son refus antique et prolongé, ont aujourd’hui encore à prodiguer. Avant Jésus, il y a le choix de Dieu absolument gratuit de se révéler dans ce peuple et dans cette culture. Après le Christ, même si certains dans ce peuple ne l’ont pas reçu, cette prédilection demeure, pour deux raisons :
1°/ Même une fois que Jésus a « accompli » la grammaire de la culture juive, il faut que celle-ci demeure, pour qu’on puisse Le comprendre
C’est pourquoi saint Paul invite à ne pas faire du peuple juif, un peuple fossile : il a une destinée qui continue, et Paul ordonne même d’espérer la réconciliation plénière de l’Ancien et Nouvel Israël de Dieu dans l’unique Israël de Dieu. L’actuel renouveau de l’exégèse néotestamentaire sous l’influence de nombreux universitaires juifs qui se réapproprient le Nouveau Testament comme une part de leur propre héritage en témoigne !
2°/ Toutes les promesses de Dieu envers Israël se sont réalisées (tout ce qui parle de Dieu dans le judaïsme est assumé d’une manière ou d’une autre par Jésus) et se réaliseront (lorsque l’Israël de Dieu sera totalement réuni)
Ceux parmi les Juifs qui n’ont pas reconnu en Jésus leur Messie, peuvent donc enseigner quelque chose aux disciples de Jésus, ne serait-ce que le rappel que Dieu est Dieu, le désir d’une instauration visible du Royaume sur la terre, l’espérance d’une nouvelle création où la paix soit universelle.
Puisse la contemplation de la judéité du Christ rendre aux chrétiens le désir de redécouvrir le Jésus réel qui vécut en Galilée, en Samarie et en Judée il y a plus de 2000 ans, non pas selon les inventions des XVIIIème –XIXème siècles, mais en se replaçant patiemment, dans son milieu et sa culture juifs. Plus on le découvre juif, au fil des progrès de la connaissance du judaïsme antique, plus on le découvre « catholique » !

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