Si vous vous êtes déjà rendu dans une ville allemande, vous avez peut-être déjà aperçu du coin de l'œil, voire trébuché sur des petits pavés dorés incrustés sur les trottoirs. Ils portent le nom de «Stolpersteine», un mot qui signifie «pierre d'achoppement» en allemand, c'est-à-dire un obstacle sur lequel on bute. Faire trébucher le passant pour l'inviter à prendre conscience de l'horreur muette dont les trottoirs qu'il arpente ont été autrefois les témoins: c'est l'idée de l'artiste allemand Gunter Demning, qui sème ces pavés aux abords des immeubles où vivaient autrefois les millions de victimes du régime nazi.
Chaque pavé retrace en quelques lignes le massacre systématique des citoyens d'origine juive, opposants politique, homosexuels, gens du voyage qui ont été arrêtés et déportés sous le troisième Reich. Au mois de mai 1996, à l'occasion d'une exposition sur le camp d'extermination d'Auschwitz, Gunter Demning a commencé à disposer ses pavés dans les rues de Berlin, en scellant illégalement 47 Stolpersteine devant les immeubles où avaient vécu des victimes de l'Holocauste, rappelle le quotidien allemand Die Tageszeitung(…).
Au cours des deux dernières décennies, les Stolpersteine se sont répandues comme une traînée de poudre en Allemagne et au-delà de ses frontières. On en trouve aujourd'hui plus de 56.000 à travers l'Europe, comme on peut le lire sur le site internet du projet: en Pologne, en Hongrie, en République Tchèque, aux Pays-Bas mais aussi en France —quelques communes vendéennes ont fait la démarche de commander des pavés à l'artiste à la mémoire des habitants déportés sous l'Occupation– ce qui lui vaut souvent le surnom de «plus grand mémorial décentralisé au monde», souligne le quotidien.
Une des particularités qui rend ce projet artistique et mémoriel unique en son genre est qu'il est financé de manière privée, du moins en Allemagne: ce ne sont pas les municipalités qui financent la fabrication et la pose des Stolpersteine, mais les particuliers, après avoir mené des recherches sur ceux qui habitaient ou travaillaient autrefois dans l'immeuble où ils résident. La pose d'un pavé à la mémoire d'une personne déportée devant le lieu où elle résidait autrefois coûte 120 euros.
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