intervention de Daniel Urbejtel : L'éloge de la marge.
Si j'ai tenu à faire l'éloge de la marge c'est parce que, vous vous en doutez, j'aime bien la marge, cet espace de liberté qui entoure le corps de cible pour rayonner presque à l'infini.
Mais c'est aussi parce qu'au retour des camps (1) je me suis retrouvé en marge de la société : n'ayant retrouvé aucun membre de ma famille, sans adresse, sans ancrage social, pris en charge par une famille généreuse où j'étais le petit pauvre dans un milieu aisé dont je ne connaissais pas les codes; j'étais en apesanteur...
Lorsqu'il m'a fallu reprendre ma scolarité au collège, je n'étais pas dans le corpus scolaire ordinaire, ni avec les élèves qui m'ont vite élu délégué de classe, ni avec mes professeurs avec lesquels je philosophais...J'ai vécu longtemps en satellite de la société que j'observais pour la comprendre et me situer.
Bien que nous n'ayons pas quitté la notion de marge, je voudrais prendre un exemple: ouvrons un livre, à une page quelconque, si l'on supprime la marge qui l'encadre, on est déstabilisé, tout devient noir et brouillon ; car la marge que l'on a supprimé servait de cordon sanitaire autour du texte auquel elle renvoyait et mettait en valeur. La marge est donc indispensable!
Mais si le texte est limité, la marge ne l'est pas et peut se développer à 360°...en partant du texte, ou du fondement qui soude une communauté, pour s'éloigner tout en restant attaché à son point de départ. Il y a bien une limite car si la marge s'éloigne trop loin de son point de départ, au point de ne plus le voir, voire à s'en détacher, elle n'est plus marge, mais vide sidéral. La marge n'existe que par son enracinement dans son postulat de départ. En s'éloignant sans rompre avec son attache, la marge prend le recul nécessaire pour analyser, méditer et approfondir son attachement.
Dans son extension, la marge croise d'autres marges venues d'ailleurs, et rencontre de fait une population hétérogène constituée de personnes s'étant éloignées du discours convenu pour penser et s'exprimer avec leurs mots propres, avec leurs tripes, plus qu'avec un slogan d'origine.
Et si c'était dans ces marges, imbriquées, que ce faisaient les rencontres, que se construisait un vivre ensemble, que se construisait la paix?
(1) En 1945 sont revenus d'Allemagne :
(1) En 1945 sont revenus d'Allemagne :
- des camps d'extermination, essentiellement des juifs --------- environ 3.000 soit 4%
-des camps de concentration, des résistants ----------------------- environ 45.000 soit 50%
- sans compter , quasiment sans perte 75.000 STO et 1 million des prisonniers
Ci-dessous, le lien audio vous permettra d'entendre l'intervention de Daniel Urbejtel :
Après-midi artistique de l'après-midi Marie Fille de Sion
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