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jeudi 23 février 2017

THÉOLOGIE : la prédication, lieu de tla théologie de Jean-Marie Lustiger

Selon ta parole. 
La prédication de Jean-Marie Lustiger,
 de Jean-Baptiste Arnaud,
 (Parole et Silence, coll. « Collège des Bernardins » 27, 2016, 624 p.,  32 €)

Recension de David Roure, la-croix.com

Fruit d’un travail de thèse, ce livre aborde la prédication du cardinal Lustiger comme « lieu d’étude théologique »
Archevêque de Paris durant presque un quart de siècle (1981-2005), le cardinal Lustiger a profondément marqué l’Église catholique qui est en France pendant cette période. Pourtant, assez bizarrement, assez peu d’études consistantes sont parues sur lui, en particulier depuis son décès, en 2007. Pour cette raison, il faut donc commencer à être reconnaissant envers le P. Arnaud, prêtre du diocèse de Paris presque quarantenaire, d’avoir effectué ce beau travail, reprenant sa thèse de doctorat en théologie soutenue en 2015.
De manière originale et fort instructive en fait, il considère « la prédication du cardinal comme lieu d’étude théologique ». De fait, il a analysé de manière assez complète la plupart de ses homélies prononcées entre 1981 et 1990. Parfois, il sort de ce strict cadre chronologique, il s’intéresse aussi à des interviews, des conférences, des entretiens de l’archevêque à ses prêtres. Tout cela pour dire que, avec et au-delà de la seule prédication, ce sont toutes les principales intuitions théologiques de Jean-Marie Lustiger qui sont ressaisies ici, même si le lecteur eût peut-être préféré à cette somme imposante mais touffue un volume plus resserré, plus synthétique aussi.

« Prière et dialogue avec Dieu »

Notre auteur, actuel responsable du parcours EVEN, sait bien montrer pour commencer à quel point les homélies de Lustiger étaient autant centrées sur le Christ qu’enracinées dans l’Écriture ; cela était évident pour ses auditeurs qui le voyaient chaque dimanche (en général, le matin en paroisse, le soir à Notre-Dame) prêcher debout devant l’autel avec, à la main, non le lectionnaire mais un Évangile en grec traduit par Sœur Jeanne  d’Arc !
Pour lui, la prédication était d’abord écoute de la Parole de Dieu, à commencer par le prêtre lui-même, « prière et dialogue avec Dieu ». La compréhension apparaît alors comme un « processus d’enfantement : celui qui comprend est enfanté, pour enfanter d’autres à cette compréhension ». En même temps, l’homélie apparaît toujours comme « une parole et un acte habités par l’Esprit » et elle contribue fortement à l’édification de l’Église, c’est donc, au bout du compte, « un acte spirituel, sacramentel et ecclésial », toujours inséré dans un temps liturgique donné.

Contradiction, question, Passion, mission

Le P. Arnaud s’efforce aussi de montrer que les homélies du cardinal étaient toujours plus ou moins construites sur la même trame, avec « quatre étapes constitutives : contradiction, question, Passion, mission ». Chaque fois, en tout cas, « l’écoute est un chemin qui commence par l’interrogation et se poursuit par la réflexion ».
En début d’ouvrage, notre auteur énumère les principaux théologiens qui ont pu influencer son modèle : Bouyer, Daniélou et Marrou, d’abord, de Lubac, Gaston Fessard, Balthasar, ensuite, Thomas Kowalski et Albert Chapelle, enfin.
Sa troisième et dernière partie insiste à juste titre sur le fait que, très souvent, Jean-Marie Lustiger ne s’adressait pas qu’à des catholiques dans ses homélies. Alors, d’un côté, sa parole était toujours missionnaire, se voulant témoin de l’Évangile, et, d’un autre côté, il prenait toujours en compte son public et le contexte où il se trouvait. Quand il s’adressait à des politiques, responsables de la cité, ce qui arrivait relativement souvent, il voulait « manifeste(r ) le sens spirituel de l’histoire » et, ceci étant peut-être du à son histoire personnelle, il «médit(ait) l’histoire comme un drame », marqué par la Passion mais aussi dans l’attente de la Résurrection. Pour lui, l’histoire des hommes était toujours éminemment spirituelle, ce qui a pu séduire certains de ses contemporains mais en irriter d’autres.

La conscience du salut déjà donné


« La prédication de Jean-Marie Lustiger, peut alors affirmer à juste titre Jean-Baptiste Arnaud, s’inscrit ainsi dans la conscience du salut déjà donné, caché dans l’histoire, en laquelle il s’accomplit » et « ses homélies témoignent de ‘l’attente du Royaume, qui est ‘remise de soi à plus grand que soi’ et ‘patience de Dieu dans l’histoire’ ». Il n’hésite pas alors à parler de la « vocation spirituelle » de la France, mais aussi de la Pologne, du Portugal ou même de l’Europe tout entière. Cette « prédication de l’archevêque de Paris, irréductible à tout discours politique ou social, ou à toute leçon d’histoire » est caractéristique de sa manière d’envisager l’histoire des hommes, toujours surplombée par la présence d’un Dieu parfois caché mais toujours présent.

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